(San Francisco) Après une année de licenciements massifs, les géants de la techno ont continué à faire des mises à pied en 2024.

Google a relancé le bal avec des centaines de licenciements et l’annonce d’autres à venir. Amazon a supprimé des centaines d’emplois chez Prime Video. Meta a discrètement réduit le nombre de ses cadres intermédiaires. Microsoft a supprimé 1900 postes dans sa division de jeux vidéo.

Licenciements et profits en hausse

Les coupes ont continué alors que les ventes, les profits et le cours des actions grimpaient. Selon les analystes du secteur techno, ce décalage illustre deux grands défis du secteur : réajuster la main-d’œuvre après les embauches frénétiques durant la pandémie tout en se lançant dans l’intelligence artificielle.

Au lieu d’embaucher des milliers d’employés chaque trimestre, les entreprises misent des milliards sur l’intelligence artificielle (IA), une technologie dont ils espèrent qu’elle leur rapportera un jour 1000 fois plus.

Meta doit réduire ses effectifs et ses dépenses « afin de pouvoir investir dans une vision ambitieuse à long terme de l’IA », a dit à des analystes le PDG Mark Zuckerberg, le 1er février. Meta fonctionne mieux quand elle est « mince », a-t-il ajouté.

PHOTO JOSE LUIS MAGANA, ASSOCIATED PRESS

Mark Zuckerberg, PDG de Meta

De la fin de 2019 à 2023, le secteur techno a fait face à l’explosion de la demande, les consommateurs confinés chez eux achetant de nouveaux ordinateurs et passant beaucoup plus de temps en ligne. Apple, Amazon, Meta, Microsoft et Google ont créé au total plus de 900 000 emplois. Lorsque ce boom a pris fin, elles ont dû s’adapter et ont supprimé environ 112 000 emplois par rapport à leurs pics respectifs en 2021 et 2022. Mais elles étaient encore bien plus grandes et plus rentables qu’avant la pandémie.

Aujourd’hui, ces cinq entreprises ont 2,16 millions d’employés – 71 % de plus qu’avant la pandémie. Ensemble, elles ont engrangé 1630 milliards en revenus durant leurs dernières années financières – 81 % de plus qu’il y a cinq ans.

Cela plaît à Wall Street : depuis un an, Meta, Amazon, Microsoft, Google et Apple ont gagné près de 3500 milliards en valeur boursière.

Dans tout le secteur techno, l’emploi semble néanmoins se diriger vers un rebond (malgré des coupes notables dans d’autres entreprises). En janvier, le secteur a ajouté 18 000 travailleurs (c’est le deuxième mois de croissance), selon CompTIA, un organisme de formation et de recherche en technologie. Le taux de chômage y est de 3,3 %, moins que le taux national de 3,7 %.

C’est cyclique : il y a des périodes d’innovation à tout crin, puis c’est le retour du pendule et on priorise les profits.

Tim Herbert, directeur de la recherche chez CompTIA

« Quand je lis qu’Amazon licencie chez Alexa ou que Google réduit le personnel de son téléphone Pixel, ça me dit que l’accent est mis sur les marges. Ils coupent là où ils peuvent et réaffectent leurs ressources », ajoute M. Herbert.

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Une femme travaille dans un centre de distribution d’Amazon à Staten Island, l’un des cinq arrondissements de la ville de New York.

L’IA générative a chamboulé les priorités commerciales. Les robots d’IA, qui répondent aux questions, créent des images et écrivent du code, ont fait sensation quand OpenAI a lancé ChatGPT à l’automne 2022.

L’essor de l’IA a coïncidé avec des réductions ailleurs. Les licenciements de Google ont réduit ses effectifs en réalité augmentée. Meta, qui a fait 20 000 mises à pied en 2023, a élagué du côté des directeurs de programme, qui supervisent différents projets et sont chargés de faire respecter les échéances.

Entre 2020 et 2021, Amazon a doublé ses effectifs pour atteindre 1,6 million d’employés, pour faire face à l’explosion du commerce électronique. Elle a notamment augmenté le nombre d’employés à temps complet, qui est passé de 200 000 à 380 000.

Amazon a depuis élagué 30 000 postes à temps complet et environ 50 000 autres emplois, selon une source au fait des changements, et la direction a clairement indiqué que ces emplois ne reviendraient pas de sitôt : « Nous allons être stricts sur l’effectif », a dit le directeur financier Brian Olsavsky, lors d’une réunion avec des analystes la semaine dernière.

Après 1000 mises à pied en janvier, Google a prévenu ses employés que d’autres vagues de licenciements pourraient suivre en 2024. Selon Ruth Porat, directrice financière d’Alphabet, la seule exception serait le recrutement d’ingénieurs de haut niveau.

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Après d’importants licenciements en 2023, Google a relancé le bal avec des centaines de mises à pied et l’annonce d’autres à venir.

Contrairement à la concurrence, Apple avait embauché avec retenue durant la pandémie. Mais en 2023, quand les ventes d’iPhone, d’iPad et d’ordinateurs ont chuté, Apple a émondé ses effectifs. Elle n’a pas fait de coupes sombres, mais pour la première fois en 15 ans, le nombre total d’employés a diminué.

Apple avait 3000 employés de moins à la fin de sa dernière année financière. L’entreprise a procédé en grande partie par attrition et en encourageant certains responsables à être plus sévères lors des évaluations annuelles, selon trois personnes au fait de la stratégie.

Un porte-parole d’Apple s’est refusé à tout commentaire.

Microsoft est la seule entreprise techno à ne pas avoir fait de grands licenciements. Les investisseurs ont récompensé cette stabilité : en janvier, Microsoft a détrôné Apple en tant qu’entreprise ayant la plus haute capitalisation boursière, qui dépasse maintenant 3000 milliards.

Cet article a été publié dans le New York Times.

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