(Ottawa) Il faudra quatre fois plus de temps qu’annoncé par le gouvernement fédéral avant que les contribuables canadiens récupèrent le montant total des subventions accordées pour la construction des méga-usines de batteries Stellantis-LG Energy Solutions et Volkswagen, en Ontario.

Le directeur parlementaire du budget (DPB) en arrive à cette conclusion dans un rapport publié mercredi, qui porte sur les investissements de 28,2 milliards d’ici 2032 faits par les gouvernements fédéral et ontarien pour la construction des usines de Stellantis-LG Energy Solutions (LGES) et Volkswagen.

« Nous estimons que les recettes fiscales fédérales et provinciales générées par les usines de fabrication de batteries pour véhicules électriques de Stellantis-LGES et Volkswagen sur la période de 2024 à 2043 seront égales au montant total des subventions à la production », a déclaré le DPB, Yves Giroux.

C’est dire que « le délai pour récupérer les 28,2 milliards de dollars en subventions à la production annoncées pour Stellantis-LGES et Volkswagen est évalué à vingt ans, ce qui est beaucoup plus long que le moins de cinq ans mentionné par le gouvernement pour Volkswagen », a-t-il ajouté.

En avril dernier, lorsque Justin Trudeau a annoncé l’investissement dans l’usine de Volkswagen à St-Thomas, en Ontario, il avait affirmé que le projet générerait « en moins de cinq ans, des retombées économiques équivalentes à la valeur de l’investissement du gouvernement ».

Son ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, qui était aussi présent à cette annonce, comme les représentants du gouvernement de Doug Ford, avait quant à lui parlé d’un « coup de circuit à tous les égards ».

Ottawa persiste et signe

En réaction à l’analyse du DPB, mercredi, le ministre a plaidé que celle-ci occultait certains éléments. Selon lui, l’agent indépendant du Parlement n’a pas tenu compte « des nombreux impacts économiques globaux sur la chaîne d’investissement ».

Comment expliquer ce décalage ?

Le DPB offre cette piste d’explication : vu « l’incertitude » quant à l’emplacement des investissements et de la production (montage des véhicules électriques, production de matériaux pour les batteries), son estimation ne représente que les recettes publiques générées par la fabrication de cellules et de modules.

« Cela contraste avec l’analyse du seuil de rentabilité du gouvernement fédéral pour Volkswagen, qui incluait des investissements et des augmentations supposées de production dans d’autres nœuds de la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques », lit-on dans son document.

« Le ministre a menti », fustigent les conservateurs

Le Parti conservateur, dont la position reste floue concernant ces investissements, on a malgré tout fustigé le gouvernement. « Le rapport révèle que le ministre libéral a menti aux contribuables et au Parlement au sujet des accords », a dénoncé le député Rick Perkins, qui réclame la publication des contrats.

Au Bloc québécois, le député Sébastien Lemire a soutenu qu’il « serait plus rentable de développer la filière batterie au Québec, à partir de la ressource », que « le Québec doit être central dans la stratégie », et qu’il doit « être respecté ».

Le Nouveau Parti démocratique n’a pas fourni de réaction.

Contrer l’IRA en Ontario et au Québec

Les subventions gouvernementales attribuées au cours des derniers mois constituent la réponse du Canada à l’adoption de l’Inflation Reduction Act (IRA), une loi de l’administration Biden. La filière batterie du Québec est aussi propulsée par des investissements publics.

Le gouvernement Legault s’apprête d’ailleurs à dévoiler le plus important projet industriel privé au Québec : l’arrivée du fabricant de cellules de batteries Northvolt, un immense complexe qui doit entraîner la création de quelque 4000 emplois et représenter un investissement d’environ 7 milliards.

La jeune pousse suédoise, qui compte déjà BMW, Volvo et Volkswagen parmi ses clients, s’enracinerait sur les terrains où se trouvait autrefois l’usine d’explosifs de la Canadian Industries Limited (CIL), à la limite de McMasterville et de Saint-Basile-le-Grand, sur la Rive-Sud.

Avec la collaboration de Julien Arsenault et d’André Dubuc, La Presse