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Est-ce que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux subventionnent les pétrolières au Canada ?

Jean Perreault

On peut répondre oui et non à cette question, selon le point de vue et, surtout, selon la définition qu’on a d’une subvention. La plupart des organisations de défense de l’environnement affirment que le Canada subventionne le secteur des énergies fossiles, et l’industrie pétrolière en particulier, si on considère que l’aide directe, mais aussi les prêts, les garanties de prêts et les crédits d’impôt à l’investissement et à la recherche et développement peuvent être assimilés à des subventions.

« C’est de l’argent public qui va à l’industrie pétrolière », résume Patrick Bonin, porte-parole de Greenpeace Canada, qui donne l’exemple du pipeline TransMountain qui est devenu la propriété du gouvernement fédéral.

Selon Oil Change International, un organisme à but non lucratif qui comptabilise l’aide publique accordée au secteur des énergies fossiles, le Canada est un des pays du G20 les plus généreux envers l’industrie pétrolière et gazière. L’aide publique sous différentes formes a totalisé 8,5 milliards de dollars entre 2019 et 2021, selon l’organisme, soit plus de 2 milliards par année.

L’industrie, on s’en doute, voit les choses autrement. « Les producteurs canadiens de pétrole et de gaz ne reçoivent aucune subvention des gouvernements et ne s’attendent à recevoir aucune aide de la sorte », affirme leur regroupement, l’Association canadienne des producteurs de pétrole (ACPP).

Les mesures fiscales dont l’industrie pétrolière profite sont celles qui s’appliquent à tous les autres secteurs d’activité, plaident les entreprises. La déduction des coûts en capital, qui réduit le revenu imposable des producteurs de pétrole et de gaz, est une mesure commune à toutes les entreprises. Comme les autres entreprises, celles du secteur pétrolier bénéficient des incitations fiscales pour la recherche-développement, sous forme de déduction ou de crédit d’impôt.

« Dire que l’industrie du pétrole et du gaz naturel est subventionnée reviendrait donc à dire que tous les secteurs d’activité sont subventionnés », conclut l’industrie dans une mise au point publiée sur son site internet.

En réalité, l’industrie pétrolière et gazière reçoit bel et bien des subventions, puisque le gouvernement fédéral s’est engagé à y mettre fin. Avant les dernières élections fédérales, le gouvernement libéral s’est engagé à éliminer les subventions aux énergies fossiles d’ici 2023.

Certains de ces engagements ont déjà été respectés. Ottawa a mis fin par exemple à l’aide accordée aux exportations de pétrole.

En plus du gouvernement fédéral, les provinces où se trouvent les ressources soutiennent aussi l’industrie pétrolière et gazière. C’est le cas de l’Alberta, de la Colombie-Britannique, de Terre-Neuve et même de l’Ontario, qui appuie financièrement son secteur gazier.

Avec la transition énergétique, une autre forme d’aide publique ou de subvention est apparue. Toutes les entreprises peuvent bénéficier de différentes mesures mises en place par les gouvernements fédéral et provinciaux pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Aussi, le gouvernement fédéral a annoncé un nouveau et généreux crédit d’impôt pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (CUSC), qui permet aux entreprises pétrolières de réduire leur empreinte carbone. Entre 2022 et 2030, cette mesure devrait coûter 8,6 milliards à Ottawa.

Est-ce que c’est un soutien à la décarbonation de l’économie ou une subvention aux pétrolières ? La question demeure entière.

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