Même si elle a fait baisser leur chiffre d’affaires de 4,5 % en moyenne, la COVID-19 a été l’occasion pour les PME québécoises d’effectuer des changements salutaires.

Selon une enquête commandée par l’organisme QuébecInnove et ses partenaires, près de la moitié rapportent avoir changé leur modèle d’affaires et la majorité a développé un projet d’innovation malgré tout. Et les deux tiers ont modifié leur chaîne d’approvisionnement, notamment pour augmenter leurs achats locaux.

57 %

Proportion des 711 décideurs de PME de 25 à 500 employés contactés par Léger, en entrevue téléphonique ou par sondage web, qui affirment avoir développé au moins un projet concret d’innovation au cours de la dernière année. « C’est exactement le même chiffre que l’an dernier, note Isabelle Foisy, PDG de QuébecInnove, un organisme financé par le gouvernement du Québec fondé en 2017. L’innovation est restée stable malgré la crise et ça, c’est une excellente nouvelle. » Vingt-quatre pour cent des PME indiquent que c’est la COVID-19 qui est la cause principale de développement d’une innovation. Soixante-deux pour cent affirment avoir développé leurs projets seules, uniquement avec des ressources internes. Elles ont investi 4,1 % de leur chiffre d’affaires en recherche et développement ou en innovation.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Isabelle Foisy, PDG de QuébecInnove

Les catégories d’innovations

Nouveau produit ou service : 31 %

Stratégie organisationnelle ou commerciale : 21 %

Gestion, distribution ou approvisionnement : 22 %

Fabrication : 15 %

Numérisation accélérée

Un des grands impacts de la COVID-19, selon cette étude, c’est que 55 % des entreprises affirment avoir accéléré leurs projets de numérisation. Pour 27 % de ces dernières, il s’agissait de développer ou d’améliorer la plateforme de commerce électronique. Vingt-quatre pour cent ont investi dans la sécurisation de leurs infrastructures informatiques, et 17 % ont augmenté leur espace de stockage infonuagique.

« Dans nos échanges avec les entreprises, on le constate : ce qui était un vœu pieux ou un désir lointain est devenu concret, dit Sophie Robillard, vice-présidente aux investissements et appui aux transitions du Fonds de solidarité FTQ. Il y avait un retard au Québec pour tout ce qui était transition numérique et énergétique. Il y a eu un certain rattrapage. »

- 4,5 %

Baisse de revenus anticipée pour 2020 par rapport à l’année précédente. Ce sont les petites PME de moins de 100 employés qui sont les plus touchées, avec une baisse prévue de 5,2 %. On note toutefois que deux groupes de PME prévoient de modestes hausses.

Client et fournisseurs

Exactement la moitié des PME affirment avoir changé leur modèle d’affaires depuis la mi-mars. Certaines ont changé de clientèle : 11 % sont ainsi passées des consommateurs aux entreprises (de B2C à B2B), tandis que 13 % ont fait le chemin inverse.

Celles qui ont fait cette transformation s’en réjouissent : elles rapportent des hausses de ventes de 20,5 % en moyenne.

Par ailleurs, 68 % des entreprises ont apporté des changements à leur chaîne d’approvisionnement. La raison principale : une « gestion plus efficace des inventaires » pour 48 % d’entre elles. Mais, fait intéressant, 27 % rapportent recourir maintenant à plus de composantes locales.

62 %

L’an dernier, dans une étude similaire, les PME se plaignaient de la pénurie de main-d’œuvre. On aurait pu croire qu’avec le ralentissement économique et la hausse du taux de chômage, le problème disparaîtrait. Ce n’est pas tout à fait le cas. Pour 62 %, le besoin en main-d’œuvre spécialisée est un des défis auxquels elles font face pour innover. Cinquante-sept pour cent souhaitent une meilleure adéquation entre la main-d’œuvre disponible et leurs besoins. Treize pour cent des entreprises qui n’ont pas innové identifient le manque de personnel qualifié comme une des raisons.

« On était en pénurie de main-d’œuvre avant la COVID-19, on a recommencé à l’être : les secteurs qui ont repris sont déjà touchés », estime Audrey Murray, présidente de la Commission des partenaires du marché du travail, un organisme conseiller du gouvernement du Québec. Or, « la capacité d’innovation est intimement liée aux compétences disponibles au sein de l’entreprise », note-t-elle. Elle estime que ces entreprises ont besoin d’un « accompagnement ciblé », d’instances gouvernementales ou de partenaires.

Grogne en baisse

L’an dernier, 56 % des PME estimaient que les programmes gouvernementaux n’étaient pas adaptés à leur réalité. Ce taux a fondu à 41 % cette année. « Qu’est-ce qui s’est passé en un an ? Évidemment, le fait que 69 % des PME rapportent avoir eu recours à des programmes gouvernementaux pour traverser la crise, explique Stéphanie Jean, associée et fiscaliste chez EY. Leur perception a changé par rapport aux programmes du gouvernement, qui a été rapide à agir, avec souplesse. »

Cela dit, ces programmes consistent généralement en aides financières ponctuelles pour une crise sans précédent. La fiscaliste souhaiterait voir appliquer cette efficacité à d’autres programmes plus complexes. « On est bons pour inciter nos entreprises à innover, on est le chef de file au Canada en matière de R et D, mais on est un peu moins bons pour la commercialisation, affirme-t-elle. Nos programmes gouvernementaux devraient se concentrer sur cette deuxième étape. C’est le temps de le faire. »