La Société de transport de Montréal (STM) espérait voir ses revenus commerciaux passer de 16 à 24 millions de dollars en cinq ans lorsqu'elle a lancé sa filiale Transgesco, en 2004. La société en commandite a certes réalisé des profits année après année, mais le transporteur public demeure loin de son objectif initial. Et il repense maintenant le statut de son bras commercial.

Les bénéfices de Transgesco ont totalisé 16,5 millions au cours de ses huit premières années d'exploitation, révèlent des états financiers que La Presse Affaires a obtenus grâce à la Loi sur l'accès à l'information.

De 967 000$ en 2004, ils ont quadruplé en 2005 pour atteindre 3,9 millions. Mais cette hausse vertigineuse a été suivie par un léger repli au cours des années suivantes. Puis, en 2009, les bénéfices ont fondu de moitié dans la foulée de la récession (voir tableau).

D'un point de vue comptable, tous les profits de l'entreprise appartiennent au transporteur public, puisqu'il détient 100% des actions de l'entreprise.

Dans les faits, note Danielle Pilette, professeure au département d'études urbaines et touristiques de l'UQAM, la part des bénéfices que la STM a obtenue est bien inférieure.

«Il ne faut pas confondre ce qui est aux livres de la société en commandite comme appartenant à la STM avec ce que qui a été distribué à la STM, indique la chercheuse, qui a une formation en comptabilité et qui siège au conseil d'administration de l'UQAM. Ce sont deux choses complètement différentes.»

La STM a ainsi puisé 12,5 millions dans l'actif de Transgesco entre 2005 et 2009 pour financer son service d'autobus et de métro. Ce qui reste dans la caisse sert à maintenir les opérations de la société en commandite. Si elle cesse ses activités, l'argent reviendra entièrement au transporteur.

Les surplus ne dorment plus dans les coffres de Transgesco, a-t-on indiqué à la STM. Car depuis 2010, une part plus importante des profits est siphonée vers le transporteur public.

Danielle Pilette note que la marge bénéficiaire de Transgesco est impressionnante, car ses revenus excèdent largement ses dépenses. Mais elle s'explique mal pourquoi la STM a jugé nécessaire de sous-traiter ses activités commerciales à une filiale qu'elle a créée de toutes pièces.

«Il ne semble pas y avoir un gros scandale, indique la chercheuse. La question, c'est plutôt de savoir quel est l'intérêt pour la STM de créer une société en commandite comme celle-ci.»

La STM, elle, se dit satisfaite de la performance de sa filiale. Au début de l'année, elle lui a d'ailleurs confié la gestion de l'affichage dans les autobus et le métro, du contrat publicitaire dans les abribus et de l'entente avec Quebecor pour la distribution du journal 24 heures.

«Force est de constater que ça a fonctionné, a indiqué la porte-parole de la STM, Odile Paradis. Quand on regarde l'évolution des revenus, on était à 8 millions en 2003 et on devrait être autour de 17 millions en 2010.»

La STM a lancé la société en commandite Transgesco en 2004 afin de mieux exploiter son potentiel commercial. Le statut juridique de l'entreprise lui permettait notamment de contourner le processus habituel d'appels d'offres, et de conclure des partenariats avec des entreprises privées.

Par l'entremise de cette filiale, la STM a mis sur pied la coentreprise Métrovision pour déployer des écrans télévisés dans les stations de métro. Elle s'est aussi associée à Gestion Beaurival pour créer la société Métrocom, dont le mandat est d'assurer la gestion, la location et le développement des aires commerciales du réseau souterrain.

À l'époque, les revenus commerciaux de la STM totalisaient plus de 16 millions. Avec la mise sur pied de Transgesco, la direction estimait pouvoir augmenter cette somme à 24 millions en 2008.

Cette année-là, la STM a engrangé 17,7 millions avec l'affichage publicitaire, les baux commerciaux, le journal Métro et les téléviseurs. L'apport de Transgesco dans ce total a été de 3,4 millions.

Stratégie repensée

La STM repense sa stratégie de confier la gestion de ses actifs commerciaux à une tierce partie, a indiqué sa porte-parole.

«Ce sont des choses qu'on est en train de regarder, a indiqué Odile Paradis. À l'époque, c'était la façon de faire qui avait été recommandée. Maintenant, on est en train de peser les pour et les contre.»

Comme La Presse Affaires l'a rapporté à l'automne, le partenariat Métrovision, formé par Transgesco et la firme Métromédia Plus, a été beaucoup moins lucratif que prévu pour le bras commercial de la STM. La coentreprise devait payer le déploiement des écrans dans les stations et fournir 27,5% de ses profits à la société en commandite.

Or, Transgesco doit toucher des dividendes de 243 000$ en 2010. Ce sera la première fois que le partenariat génère des revenus, hormis 17 000$ versés en 2006.

Malgré tout, la STM prévoit dépenser 11 millions pour l'installation de téléviseurs dans d'autres stations de métro.

La STM a annoncé en septembre qu'elle comptait doubler ses revenus commerciaux en cinq ans. Une étude de l'Imperial College de Londres venait de placer le transporteur en queue de peloton par rapport aux autres réseaux de transports collectifs du monde pour les revenus commerciaux. À peine 2% de ses revenus proviennent de la publicité et des revenus commerciaux.