Y a-t-il une place pour les petites entreprises dans l'univers de géants qu'est l'industrie pharmaceutique?

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Qui: Le fondateur Sylvain Chrétien, les cofondateurs Angelo Botter et Pierre Désormeaux et une vingtaine d'employés.

L'idée: Créer une société pharmaceutique spécialisée dans la vente de produits innovateurs pour enfants.

L'ambition: Devenir un acteur important de la pharmaceutique pour enfants au Canada et à l'échelle internationale.

Ils y croient et y ont misé de l'argent: les fonds d'intervention économiques et régionaux (FIER) de Granby, Longueuil et Sherbrooke, une poignée d'anges financiers québécois dont Luc Bousquet, les membres du conseil d'administration dont Pierre Lapalme et plusieurs employés de l'entreprise.

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Une petite boîte montréalaise a fait le pari que oui. Son truc: cibler les produits pour enfants, souvent délaissés par les multinationales parce que leurs volumes de vente ne sont pas assez importants.

«Avec les fusions et acquisitions dans l'industrie, les entreprises se retrouvent avec des listes de produits longues comme ça, dit Sylvain Chrétien, fondateur et président de Pediapharm. Ils mettent leurs efforts de vente sur les meilleurs vendeurs et délaissent les autres produits.»

Ajoutez à cela le fait que seulement 30% des médicaments comptent des formulations adaptées aux enfants et vous avez ce qui ressemble drôlement à une occasion d'affaires.

Cette occasion, M. Chrétien l'entrevoit lorsqu'il travaille à un MBA spécialisé en biotechnologies à l'UQAM. «On devait produire un mémoire sur une idée d'affaires, mais finalement, je l'ai gardée pour moi. Je ne voulais pas me la faire voler!», raconte M. Chrétien.

Fort d'une expérience autant dans les grandes sociétés pharmaceutiques que dans les petites boîtes de biotechnologies, M. Chrétien décide de passer à l'action. Avec son comparse Angelo Botter et l'ange financier Pierre Désormeaux, il fonde Pediapharm en 2008.

Dès le départ, il est clair que les trois hommes ne veulent pas se lancer dans l'entreprise coûteuse, longue et risquée d'inventer de nouveaux médicaments. Leurs produits pour les enfants, ils iront les chercher chez les autres sociétés.

Comment? Pediapharm commence par se doter d'une force de vente dans l'ensemble du Canada. Puis elle épluche les catalogues des multinationales.

Les fondateurs découvrent ainsi que le Suprax, antibiotique pour les enfants commercialisé par le géant Sanofi-Aventis, ne vend pas autant que ce qu'ils croient possible. M. Chrétien va frapper à la porte de l'entreprise pour parler affaires.

«On leur dit: je vois que vous avez ici un antibiotique qui a un potentiel, mais vous ne faites rien avec. Mettez-nous le produit entre les mains, on va mettre les efforts et augmenter les ventes, et on partage les revenus», explique M. Chrétien.

Sanofi-Aventis accepte, et Pediapharm met son réseau de vendeurs à contribution. «Depuis, on a plus que doublé les ventes de Suprax», dit fièrement M. Chrétien.

Mais Pediapharm rêve de plus. «Moi, ce que je veux, c'est d'avoir mes propres produits Pediapharm. Parce que mes marges sont beaucoup plus grandes», dit M. Chrétien. L'homme brandit une bouteille de NYDA, un traitement contre les poux qui, contrairement aux autres, n'est pas un pesticide. Le nom de Pediapham figure sur la boîte. La société, pourtant, ne l'a pas inventé.

«C'est fabriqué par une entreprise allemande, mais ce n'était pas commercialisé au Canada, explique M. Chrétien. On les a sondés et on a payé les droits, avec une entente d'exclusivité pour le marché canadien.»

C'est selon ce modus operandi que Pediapharm a réussi à grandir. Elle compte aujourd'hui 22 employés. Son défi est à la fois simple et complexe: trouver les meilleurs produits pour enfants qui existent sur la planète, puis les pousser dans le marché canadien. Depuis sa fondation, l'entreprise a examiné une centaine de produits. Cinq sont déjà sur le marché ou sur le point de l'être, et cinq autres seront lancés d'ici à 2014.

Partenaire recherché

Le seuil de rentabilité? Il pourrait déjà être atteint si l'argent généré par les ventes n'était pas utilisé pour acquérir les droits sur d'autres produits, dit M. Chrétien.

Ce père de deux enfants est bien placé pour savoir que nombre de médicaments, même s'ils comptent des formulations adaptées aux enfants, sont souvent difficiles à donner aux petits. Il croit donc que les occasions d'affaires sont nombreuses et surveille les innovations en ce sens. L'entreprise compte Paul Lévesque, l'ancien PDG de Pfizer Canada qui travaille maintenant au siège social américain de la multinationale, comme conseiller spécial. M. Chrétien cherche aujourd'hui un «partenaire financier solide» pour accélérer sa croissance.

«On veut devenir un acteur important sur le plan international», dit-il. Comme quoi ramasser les miettes laissées derrière par les géants pharmaceutiques ne veut pas dire manquer d'ambition.