Son fondateur a fait ses classes en jouant de la basse dans un groupe rock, ses bureaux sont inexistants et ses employés éparpillés entre Londres, Miami, Halifax et Hudson, P.Q. Mais contrairement à bien des boîtes en démarrage, Bandzoogle peut se vanter d'engranger des profits. Et vient même de se payer une acquisition.

Bandzoogle fait partie de cet essaim de petites entreprises web qui bourdonnent actuellement à Montréal. Son idée: une plateforme qui permet aux groupes de musique indépendants de se bâtir un site web en quelques clics.

Il y a 10 jours, la petite boîte de 10 employés a fait ce que les grandes font quand elles veulent grandir rapidement: elle a réalisé une acquisition. Sayvee, site concurrent de la Colombie-Britannique, est tombé sous son contrôle.

«Ils avaient conçu une interface qui a moins de fonctionnalités que la nôtre, mais qui était beaucoup plus léchée», explique le président, David Dufresne, joint à Austin, au Texas, où il participe au festival South by South West - messe annuelle qui réunit les fanatiques de musique, de cinéma et de technologie.

Grâce à la musique

Si David Dufresne est aujourd'hui le cerveau des affaires derrière Bandzoogle, l'idée de départ a germé dans la tête de son acolyte Chris Vinson, ancien bassiste du défunt groupe montréalais Rubberman. Tout débute à la fin des années 90, quand le jeune musicien crée un site web pour son groupe qui attire l'attention du conglomérat du divertissement Donald K. Donald. Ce dernier est si impressionné qu'il embauche Chris Vinson pour bâtir les sites web des autres musiciens évoluant sous ses étiquettes.

«Il est arrivé un moment où je devais faire tellement de maintenance sur tellement de sites que je n'arrivais plus, raconte M. Vinson. J'ai alors conçu des logiciels pour permettre aux imprésarios des artistes de faire eux-mêmes les mises à jour sur les sites. À l'époque, il n'y avait pratiquement pas de logiciels qui faisaient ça.» Harcelé entre-temps par ses amis musiciens qui veulent aussi leur site web, Chris Vinson comprend qu'il tient quelque chose. Aidé par un petit investissement initial de Donald K. Donald, il se lance à son compte et conçoit un outil permettant aux musiciens de créer leur propre site web sans devoir maîtriser la programmation informatique.

En quelques clics et moyennant des frais mensuels variant entre 9,95$ et 20$ selon les options, les groupes peuvent aujourd'hui se bâtir un site avec leur propre adresse internet, y publier des photos et des vidéos, vendre de la musique et annoncer leurs spectacles.

Quand Chris Vinson lance son produit, en 2003, l'avenir semble toutefois assez sombre. Par une mauvaise coïncidence, Myspace arrive dans le paysage exactement le même mois avec un réseau social qui permet aux internautes de créer gratuitement leur page web personnalisée.

«Je pensais qu'on était foutus et qu'on n'irait nulle part», avoue M. Vinson.

L'avenir lui donne tort. Bandzoogle trouve son public et le nombre d'abonnés augmente systématiquement de mois en mois, jusqu'à frôler les 15 000 aujourd'hui, procurant à l'entreprise des revenus annuels supérieurs à 2,5 millions.

Avec le recul, M. Vinson attribue le succès de Bandzoogle au fait que, contrairement à Myspace, la plateforme permet de créer un vrai site web avec une adresse internet au nom du groupe plutôt qu'une simple page gérée par un tiers.

«Avec Bandzoogle, les musiciens peuvent avoir leur propre liste d'envoi pour rejoindre les fans, continue M. Vinson. Et on les laisse vendre de la musique sans prendre une portion des revenus.»

Rencontre

C'est à Startup Camp, événement consacré aux entreprises en démarrage de la métropole, que Chris Vinson rencontre David Dufresne. Après avoir roulé sa bosse huit ans dans le monde du capital-risque, ce dernier se cherche un «gars de techno» auquel s'allier pour bâtir une entreprise.

Le courant passe entre ces deux hommes qui se décrivent tous comme des «maniaques de musique». En juillet dernier, David Dufresne est officiellement devenu président de Bandzoogle.

Chose assez particulière, l'entreprise fonctionne sans local fixe. Chris Vinson travaille de son domicile à Hudson, dans l'ouest de Montréal, et la poignée d'employés recrutés un peu partout sur la planète font de même à partir de leur portable, ce qui minimise les coûts d'exploitation.

Rénover la plateforme informatique, entretenir et nouer de nouvelles alliances avec les grands sites de musique en ligne, offrir le produit dans d'autres langues que l'anglais: les projets, aujourd'hui, ne manquent pas.

«On pense adapter notre plateforme pour l'offrir à d'autres clientèles, comme les acteurs et les mannequins, révèle M. Vinson. On croit qu'il y a beaucoup de publics à rejoindre.»

BANDZOOGLE

Fondateur > Chris Vinson

Président > David Dufresne

Investisseur initial > Donald K. Donald

Le concept en 140 caractères > «Bandzoogle permet aux artistes de construire eux-mêmes un site web complet, de faire leur promotion et de vendre directement à leurs fans.» David Dufresne

Objectifs d'ici un an > Terminer la transition de la plateforme à un nouveau code source plus moderne et flexible, concevoir davantage d'outils pour permettre aux musiciens de relier leur site web aux médias sociaux, réussir l'intégration avec les partenaires actuels et en trouver de nouveaux.