Les actionnaires des banques veulent y voir plus clair dans les fonds de couverture, réputés être des «boîtes noires» où les gestionnaires cachent leur jeu.

Les actionnaires des banques veulent y voir plus clair dans les fonds de couverture, réputés être des «boîtes noires» où les gestionnaires cachent leur jeu.

De toutes les propositions soumises au vote, lors des récentes assemblées annuelles des banques, c'est celle portant sur la divulgation de leur participation dans les fonds de couverture (hedge funds) qui a obtenu le plus large appui.

En fait, de 10 à 15 % des actionnaires souhaitent que les banques «rendent publique l'information sur leur participation directe ou indirecte dans les fonds de couverture». Cette proposition a été soumise par le Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires, une association d'actionnaires minoritaires fondée par le Robin des banques, Yves Michaud.

Toutes les banques ont recommandé de voter contre. Leur avis est généralement suivi par la majorité des grands investisseurs. Dans ce contexte, un tel pourcentage d'appui est significatif. «Ça traduit une inquiétude de la part des actionnaires», estime Rosalie Vendette, directrice de la gestion des droits de vote au Groupe Investissement Responsable.

Elle pense que bien des investisseurs sont craintifs en raison de la déconfiture d'Amaranth l'automne dernier. En spéculant sur le prix du gaz naturel, ce fonds de couverture a pulvérisé 6 milliards US en deux jours, soit plus de la moitié de ses actifs. Desjardins et la Caisse de dépôt et placement du Québec figuraient parmi ses investisseurs.

Les banques confient des sommes importantes aux fonds de couverture. La plupart ont des rendements très stables. Mais certains sont très spéculatifs. Ils empruntent jusqu'à cinq fois leur actif, ce qui multiplie leur rendement et leur risque, d'où le stress des actionnaires des banques.

Mais ce n'est pas tout. Les banques entretiennent toutes sorttes d'autres liens avec les fonds de couverture.

Elles leurs prêtent des fonds. Elles négocient pour eux, à titre de courtier désigné (prime broker). Elles leur transfère même une partie du risque de faillite de leurs emprunteurs, en leur vendant des produits dérivés de crédit (credit default swap).

Au fil des ans, certaines banques se sont carrément transformées en fonds de couverture géants. Elles mènent des opérations financières complexes pour leur propre compte. Aux États-Unis, JP Morgan et Goldman Sachs gèrent chacune plus de 30 milliards US dans leurs fonds de couverture.

Ces opérations financières à l'interne sont encore plus préoccupantes que l'argent investi par les banques dans des fonds externes.

«Dans un fonds de couverture, au moins la banque sait combien d'argent elle a mis. Donc, elle sait combien elle peut perdre», dit Jean-Paul Giacometti, gestionnaire de portefeuille chez Claret. Mais avec les produits dérivés, les pertes peuvent théoriquement s'étirer à l'infini.

D'ailleurs, le gourou américain de l'investissement, Warren Buffett, a déjà qualifié les produits dérivés «d'arme financière de destruction massive» et de «bombe à retardement» pour les banques.

Malheureusement, il est presque impossible pour des actionnaires des banques d'évaluer le risque qu'ils encourent, estime Jacques Fortin, professeur de comptabilité à HEC Montréal.

Pourtant, les rapports annuels des banques font plus de 100 pages. La note afférente aux états financiers qui décortique les opérations financières est d'une rare complexité.

«Le degré de divulgation a fait des progrès important depuis cinq ans. On pourrait toujours en dire plus. Mais trop c'est comme pas assez», dit Michel Magnan, titulaire de la Chaire de comptabilité Lawrence Bloomberg à l'école de gestion John-Molson de l'Université Concordia.

Mais au-delà de la quantité d'information divulguée, c'est la vulgarisation de la réalité financière qui pose problème.

En effet, comment rendre accessible au commun des investisseurs une stratégie d'investissement ultrasophistiquée, développée par un crack de la finance qui possède un doctorat en physique quantique?

La complexification du système financier pose un défi majeur, même pour les vérificateurs comptables. «C'est une des questions de l'heure», affirme M. Magnan.

Les cabinets comptables doivent faire appel à des experts externes ou se spécialiser dans un créneau d'affaires. En ayant plusieurs clients dans un même secteur en Amérique du Nord, ils augmentent leurs connaissances, leurs compétences et réussissent à garder un oeil critique.