Un grand nombre des victimes présumées de Bernard Madoff possèdent un point commun: elles appartiennent, comme lui, à la communauté juive américaine. D'où l'inquiétude de certains juifs qui craignent que l'escroquerie de 50 milliards de dollars (35 milliards d'euros) dont le financier new-yorkais est accusé n'alimente de vieux clichés antisémites.

Un grand nombre des victimes présumées de Bernard Madoff possèdent un point commun: elles appartiennent, comme lui, à la communauté juive américaine. D'où l'inquiétude de certains juifs qui craignent que l'escroquerie de 50 milliards de dollars (35 milliards d'euros) dont le financier new-yorkais est accusé n'alimente de vieux clichés antisémites.

De nombreux juifs et organisations de la communauté israélite ont perdu de l'argent dans la vaste fraude pyramidale présumée. Le concept d'escroquerie dite «par affinités», où un aigrefin cible des membres de sa communauté, n'est pas nouveau. Mais certains craignent que l'affaire Madoff ne ravive des stéréotypes négatifs sur les juifs qui remontent au Moyen-Age.

La Ligue anti-diffamation (ADL) fait état d'une hausse des commentaires antisémites sur Internet après l'arrestation, le 11 décembre, de Madoff. Le scandale «exauce les voeux de tout antisémite», déplore un chroniqueur du quotidien israélien «Haaretz».

Le directeur exécutif du Comité juif américain (AJC), David Harris, a de son côté critiqué «l'accent frappant» mis sur la religion de Bernard Madoff. L'affaire est du «pain béni pour les fanatiques», estime pour sa part Abraham Foxman, directeur national de l'ADL dans un entretien à l'Associated Press. «C'est embarrassant et douloureux.»

Il est difficile de narrer l'affaire en détail sans mentionner la confession religieuse de M. Madoff. Le gérant de fonds, âgé de 70 ans et ancien président du Nasdaq, a distribué des centaines de milliers de dollars en dons annuels, dont une bonne part à des causes juives. Et beaucoup de victimes connues de la société Bernard L. Madoff Investment Securities sont des grands noms de la communauté juive américaine.

L'université Yeshiva, une des plus importantes institutions juives d'enseignement supérieur aux Etats-Unis, a perdu dans la fraude 110 millions de dollars (78 millions d'euros); Hadassah, Organisation des femmes sionistes d'Amérique, 90 millions de dollars (64 millions d'euros); la Fondation Wunderkinder du cinéaste Steven Spielberg, un montant non précisé; la fondation de l'écrivain et rescapé de la Shoah Elie Wiesel, 15 millions de dollars (10,5 millions d'euros); des fédérations et hôpitaux juifs ont perdu des millions et certaines fondations ont dû fermer.

Les dégâts pour la communauté juive sont aussi bien financiers que psychologiques, selon Kenneth Bandler, porte-parole de l'AJC. Dans les organisations juives et les synagogues américaines, les gens se demandent: «Comment quelqu'un avec une telle aura dans la communauté juive a-t-il pu escroquer délibérément ceux qui étaient censés être ses amis, les organisations qu'il admirait et soutenait?»

Les fraudes survenant au sein de groupes partageant la même religion ont touché 80 000 personnes et représenté près de 2 milliards de dollars entre 1998 et 2001 aux Etats-Unis, selon les derniers chiffres disponibles de l'Association américaine des administrateurs de titres, une association de défense des investisseurs.

Quel que soit le milieu, les fraudes par affinités fonctionnent sur la confiance. Les victimes sont approchées par un membre de leur communauté ou de leur cercle et se méfient donc moins, explique Joseph Borg, directeur de la Commission des titres de l'Alabama.

Certains craignent que l'affaire Madoff ne ravive de vieux clichés antisémites. Depuis que les juifs ont occupé la fonction de prêteurs dans l'Europe médiévale, où ils n'avaient pas le droit d'exercer de nombreux autres métiers, ils ont souvent été caricaturés sous les traits de personnes avares, cupides et obsédées par l'argent.

Dans une lettre envoyée au Times au sujet d'un article sur Bernard Madoff, M. Harris écrit: «Oui, il est juif. Nous l'avons compris. Mais cela avait-il un lien avec le fait qu'il ait été arrêté pour avoir dupé des investisseurs ou est-ce si important dans son parcours d'homme d'affaires que cela doive être répété sans arrêt?» Dans un communiqué publié mercredi, le Conseil rabbinique d'Amérique souligne «qu'il n'y a pas de raison de penser qu'un comportement aussi terrible est plus répandu chez les juifs».

Reste que les attaques antisémites ont fleuri sur Internet après l'arrestation du gestionnaires de fonds, y compris sur les pages de sites d'actualités populaires ouvertes aux réactions du public, note M. Foxman. Certains commentaires sont retirés des sites par les webmestres, d'autres se voient répondre qu'il existe des brebis galeuses dans tous les milieux.