Désabusés par les fiducies, où iront-les investisseurs? Les titres qui versent des dividendes élevés, comme ceux des banques, pourraient bien prendre leur revanche.

Désabusés par les fiducies, où iront-les investisseurs? Les titres qui versent des dividendes élevés, comme ceux des banques, pourraient bien prendre leur revanche.

Le soir de l'Halloween, le ministre des Finances Jim Flaherty a donné une fameuse trouille aux investisseurs, en décidant d'imposer les fiducies de la même façon que les entreprises.

Du vrai bonbon pour les titres des banques! "La réaction des investisseurs a été de sortir des fiducies pour acheter des banques, par défaut", raconte Moïse Falcao, vice-président adjoint, titres à revenus variables pour la firme de gestion Optimum.

Dès le lendemain, l'indice des fiducies a perdu 12,4%, une hémorragie de près de 20 milliards de dollars. "Le plus gros de l'effet est passé. Mais les fiducies vont continuer de glisser tranquillement", prévoit Luc Girard, directeur du groupe de conseil en Portefeuilles chez Valeurs mobilières Desjardins (VMD).

L'équipe de recherche de la firme de courtage estime que l'exode des capitaux des fiducies pourrait pousser les titres des banques de 7 à 10% et, à un moindre niveau, ceux des assureurs.

Avec leur rendement de dividende supérieur à la moyenne (3 à 4%), les banques sont la solution de remplacement toute désignée aux fiducies qui attiraient les investisseurs avec leurs distributions régulières élevées... et fiscalement avantageuses.

Mais attention! Les banques souffriront par la bande de l'hécatombe des fiducies. Leurs filiales de courtage qui s'occupaient du financement des fiducies, perdront une source importante de revenus, signale Martin Roberge, stratège chez les Partenaires Versant.

En outre, avec le ralentissement du marché immobilier, le secteur des prêts, autre source majeure de profits pour les banques, a peut-être atteint un plafond, ajoute M. Roberge.

N'empêche que la Banque de Montréal, avec l'un des dividendes les plus élevés des banques (3,6%), reste une avenue intéressante. Sa division Harris Bank lui confère de bonnes possibilités de croissance aux États-Unis, estime M. Girard.

La Banque CIBC a un dividende un peu plus bas (3,1%). Prise avec les conséquences de son implication dans l'affaire Enron, la CIBC avait dû stopper la croissance de son dividende. Mais elle pourrait maintenant rattraper le temps perdu, souligne M. Girard.

Sa préférée demeure la Banque TD, dont le rendement n'est toutefois que de 2,9%. M. Falcao est du même avis: "La TD est une belle option, à cause de la qualité des dirigeants et de ses possibilités de croissance supérieure."

Du côté des sociétés d'assurances, M. Girard pointe la Great-West Lifeco qui verse un dividende de 3,1%, mais aussi Manuvie (2,1%), très bien positionnée à l'international. "Avec l'acquisition de John Hancock, Manuvie a une très belle plate-forme de croissance aux États-Unis, et elle est de plus en plus présente en Asie", souligne M. Falcao.

La revanche des dividendes

Au-delà des banques, ce sont toutes les sociétés qui versent des dividendes élevés qui vont prendre leur revanche.

"Avec les fiducies, les gens focalisaient sur la distribution de 5 à 8%. Mais ce n'est pas comme ça qu'il faut gérer un portefeuille. C'est le rendement total qui compte", dit André Chabot, gestionnaire de portefeuille pour la firme Triasima.

Certaines actions versent un dividende de 2 ou 3% et peuvent s'apprécier de plus de 5% par année. Leur rendement total devient alors aussi attrayant que celui d'une fiducie, qui sont souvent des entreprises de plus petites et plus risquées.

Mais les investisseurs, qui focalisaient seulement sur la distribution élevée des fiducies, ne doivent pas commettre la même erreur avec les actions. "Il ne faut pas regarder juste le rendement du dividende!" dit M. Falcao.

Bien sûr, un rendement élevé est inspirant. Mais rien n'est garanti. Il faut donc analyser les perspectives de croissance de l'entreprise, pour s'assurer qu'elle sera capable de maintenir son dividende, ou mieux encore, de l'augmenter régulièrement.

Premier réflexe: bien des investisseurs seront tenté de déménager leurs actifs dans les services publics, un secteur reconnu pour ses généreux dividendes. Mal leur en prenne! Le secteur est très dispendieux, estiment plusieurs spécialistes. Par exemple, le titre de TransAlta est alléchant avec son dividende de 4,3%, mais à un ratio de 20 fois les bénéfices, il ne faudrait pas s'étonner qu'il subisse un repli.

"Si les taux d'intérêt baissent, les investisseurs vont sortir du titre", prévient M. Falcao. En effet, lorsque les obligations offrent un taux d'intérêt plus attrayant, les titres à dividende élevés perdent de leur attrait.

Les services de télécommunication sont l'autre secteur classique où on peut dénicher des titres à dividende élevé. Dans le contexte où les deux géants BCE et Telus vont certainement abandonner leur projet de conversion en fiducie, le titre de Manitoba Telecom devient tout à coup plus intéressant, souligne M. Girard.

L'entreprise a accumulé pour un milliard de dollars en pertes. Telus pourrait être tenté de l'acheter afin d'utiliser ses pertes pour réduire son impôt. Il est toujours risqué d'investir dans un titre en misant sur son acquisition. Mais compte tenu du dividende 5,7% de Manitoba Telecom, les investisseurs sont bien payés pour attendre...

Côté énergie, les grandes entreprises qui versent des dividendes élevés vont bénéficier d'un déplacement des capitaux à l'intérieur du secteur, poursuit M. Girard. Rappelons que presque la moitié des sommes investies dans les fiducies était concentrée dans le secteur de l'énergie.

Or, les petites fiducies auront la vie dure, surtout celles spécialisées dans le gaz naturel. Elles pourraient être aspirées par une spirale à la baisse si les prix du gaz diminuent en 2007. Voyons le bon côté: les grandes entreprises auront l'occasion de racheter à rabais les plus petites fiducies qui auront les jambes coupées par la décision du fédéral.

Parmi les grandes sociétés pétrolières intégrées, celle qui présente le plus haut rendement de dividende est Husky Energy (2,9%). Encore faut-il être optimiste pour les prix de l'énergie, c'est-à-dire faire le pari que l'économie américaine, et mondiale par ricochet, se remettra vite sur les rails.

Même pari pour le secteur des matériaux. M. Girard est de ceux qui s'attendent à un rebond d'ici la fin de l'année. Il n'hésite pas à suggérer le titre d'Alcan qui verse un dividende de 1,7% et celui de Teck (2,4%).

Les fiducies immobilières à l'abri

Par ailleurs, la plupart des fiducies immobilières seront épargnées du nouvel impôt. Par le fait même, leur attrait fiscal n'en sera que plus grand.

Lesquelles préférer? Boardwalk est sur toutes les lèvres. La moitié de ses 33 000 logements sont situés en Alberta, où le marché immobilier est en pleine expansion à cause du boom pétrolier.

Boardwalk verse une distribution de 3,8%, dont une majeure partie est considérée comme un retour de capital. Cela signifie que les investisseurs n'ont pas à ajouter cette partie de distribution à leurs revenus imposables à chaque année. Ils paieront l'impôt uniquement lorsqu'ils revendront leur titre, sous forme de gain en capital.

D'ailleurs, la plupart des fiducies immobilières versent une bonne part de leur distribution en retour de capital.

Mais il ne faut pas se laisser hypnotiser par l'attrait fiscal des fiducies immobilières. Un tri méticuleux s'impose car l'immobilier ralentit dans bien des régions, après des années de hausses folles.

"Les belles occasions sont plus rares au Québec et en Ontario. La fiducie Alexis Nihon vient même d'annoncer qu'elle devra aller voir ailleurs, à l'extérieur de son habitat naturel. Mais cela augmente le risque pour les investisseurs", dit M. Girard.

Mais toutes les fiducies immobilières du Québec et de l'Ontario ne sont pas à dédaignées. Même si ses centres commerciaux y sont concentrés, RioCan constitue une belle occasion de placement, souligne par exemple M. Chabot. "Les taux inoccupation sont à la baisse, les loyers en hausse", mentionne-t-il.

Actions privilégiées : pas si pépères!

Autre alternative aux fiducies: "Les actions privilégiées. Ça paraît pépère, mais c'est assez intéressant", dit M. Chabot. L'investisseur ne les achète pas pour la progression du titre, mais plutôt pour le dividende élevé. On peut les sélectionner presque indifféremment de l'entreprise, pourvu qu'on ait la certitude que l'émetteur est solide et ne risque pas de faire faillite.

Les obligations convertibles pourraient aussi redevenir à la mode, estime M. Chabot. Tout comme les actions privilégiées, les obligations convertibles étaient devenues beaucoup moins populaires depuis six ou sept ans, car les investisseurs n'avaient d'appétit que pour les fiducies.

"La nature a horreur du vide! S'il y a un besoin laissé vacant par les fiducies, le marché va le remplir", dit M. Chabot.

LES DIVIDENDES LES PLUS ÉLEVÉSLes 30 titres au meilleur rendement de la Bourse canadienne*

RENDEMENT

Rothmans 5,93%

Manitoba Telecom 5,75%

Russel Metals 5,52%

Addenda Capital 5,18 %

First Cap Realty 4,86%

BCE 4,78%

Norbord 4,52%

Transalta 4,33%

Torstar-B 4,18 %

Emera 4,16%

Duke Energy Can. 4,04%

Banque Laurentienne 3,98%

Sceptre Investme 3,93%

Mosaid Tech 3,66%

BMO 3,52%

RENDEMENT

Saxon Financial 3,46%

Transcanada 3,44%

Igm Financial In. 3,38%

Banque Nationale 3,20%

Quebecor World I 3,17%

Biovail 3,15 %

Agf Mgmt-B 3,14 %

Banque CIBC 3,11 %

Banque Royale 3,10%

Banque Scotia 3,06%

Enbridge 2,97%

Fortis 2,91 %

Great-West Lifec 2,90%

TSX Group 2,88%

Banque TD 2,87%

* Excluant les titres dont la valeur boursière est inférieure à 250 millions

Source : Bloomberg

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