(Québec) Québec a officiellement acquis les immenses terres de Rabaska à Lévis. Le gouvernement veut mettre en place un important pôle industriel, mais s’engage à redonner une protection agricole à plus du tiers des 272 hectares.

Le gouvernement exauce donc les souhaits du maire de Lévis, qui réclamait le rachat de ces terres afin de développer un grand parc industriel voué à l’industrie navale. L’acquisition de 38 millions de dollars ouvre aussi la porte au Port de Québec, qui aimerait construire un quai en eaux profondes.

« On va travailler avec la Ville de Lévis et le Port de Québec pour voir comment organiser le terrain pour créer de la richesse collective », a dit mercredi le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, dont le ministère a orchestré l’achat à la Société en commandite Rabaska.

« On a payé 38 millions de dollars, qui est le prix du marché. C’est un très bon prix quand on compare les terrains vendus dans ce coin », a ajouté M. Fitzgibbon.

L’Union des producteurs agricoles (UPA) réclamait que l’ensemble du terrain soit réintégré au territoire agricole. Rappelons que le gouvernement québécois avait dézoné ces terres par décret en 2007 pour un projet de terminal méthanier. Mais le projet Rabaska n’a jamais vu le jour.

Le gouvernement Legault pense toutefois avoir trouvé un compromis et promet de réintégrer dans le giron agricole plus du tiers des 272 hectares.

« C’est une très, très bonne nouvelle. On sait qu’actuellement, il y a 65 hectares en culture. La transaction fait en sorte qu’on va faire augmenter à 109 hectares la zone protégée, qui par décret va être réintroduite en zone agricole. Ça va pas mal être une première », a avancé le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne.

À l’heure actuelle, les 65 hectares cultivés ne jouissent d’aucune protection. Les 109 hectares qui retrouveront un zonage seront quant à eux protégés, à moins d’un décret gouvernemental comme celui de 2007.

« À l’époque où ça s’est fait, le gouvernement précédent n’avait mis aucune provision dans cette décision pour faire en sorte que si le projet ne se faisait pas, il y aurait une reconduction en terre agricole de toutes ces bonnes terres là, a accusé le ministre André Lamontagne. Le geste qu’on pose est très, très réparateur par rapport au geste posé par le gouvernement précédent. »

L’UPA a dit « prendre acte » de la décision du gouvernement mercredi. Bien que l’Union émette des réserves, elle se réjouit que des terres soient préservées pour l’agriculture. « Il s’agit d’une bonne nouvelle pour notre garde-manger collectif, d’ici la pérennisation définitive de ces terres. Il reste beaucoup de travail à faire pour garantir leur vocation agricole à très long terme, voire à perpétuité », a déclaré dans un communiqué le président général de l’UPA, Martin Caron.

La Fédération de l’UPA de la Chaudière-Appalaches a d’ailleurs réclamé que les 109 hectares soient protégés davantage que par un seul zonage. « Je ne dormirai tranquille que lorsque ces terres seront protégées par une fiducie. Rappelons que les terres cultivées sont majoritairement situées au nord et risquent d’être rapidement enclavées entre le fleuve et les projets industriels qui se développeront au sud », s’inquiète James Allen, président de la Fédération.

Aucun projet concret pour l’instant

Le terrain Rabaska pourrait donc être divisé en parc industriel, en zone portuaire et en terres agricoles.

Le maire de Lévis veut destiner ce parc industriel à l’industrie navale. Selon lui, ces terres sont essentielles au développement économique de Lévis, car elles sont proches du chantier Davie, dont l’inclusion récente dans la stratégie navale fédérale ouvre la porte à d’importants contrats de brise-glaces.

« Avec la construction navale, on parle de 13 milliards de contrats. Regardez ce qu’est devenue l’aérospatiale à Montréal. Imaginez une filière de construction navale très forte ici dans la région de Québec », indiquait en entrevue mardi Gilles Lehouillier. Rappelons qu’aucun contrat important n’a encore été confirmé.

Pierre Fitzgibbon a indiqué qu’il n’y avait aucun projet concret pour l’instant. Mais les vastes terrains prêts pour des développements industriels rapides sont toujours « intéressants », selon lui.

« Ça va permettre d’avoir un terrain industriel à développer qui sera pertinent à notre stratégie de développement économique thématique », a ajouté le ministre Fitzgibbon.

« Je pense que c’est révolu, les parcs industriels où on met un peu n’importe quoi. »

Le député de Lévis, Bernard Drainville, n’a pas voulu dire si le développement d’un pôle industriel à l’est de Lévis rendait nécessaire la construction d’un troisième lien, comme l’estime M. Lehouillier.

« C’est un argument qui se vaut, mais on va laisser CDPQ Infra travailler ce dossier-là », a répondu M. Drainville.