(Québec) Lévis profite des consultations prébudgétaires pour revenir à la charge dans le dossier des terres de Rabaska. La Ville demande l’aide du gouvernement du Québec pour transformer en parc industriel jusqu’à 30 millions de pieds carrés d’anciennes terres agricoles, ce qui représente près du double de la superficie du terrain de la future usine Northvolt.

Dans un mémoire qui vient d’être déposé au ministère des Finances, Lévis demande à Québec non seulement d’acquérir les 272 hectares, mais aussi d’offrir « des compensations financières à prévoir pour la destruction de milieux humides et hydriques » sur le site.

Ces terres sont essentielles au développement économique de Lévis, fait valoir la Ville, car elles sont proches du chantier Davie, dont l’inclusion récente dans la stratégie navale fédérale ouvre la porte à d’importants contrats de brise-glaces.

« Avec la construction navale, on parle de 13 milliards de contrats. Regardez ce qu’est devenue l’aérospatiale à Montréal. Imaginez une filière de construction navale très forte ici dans la région de Québec », fait valoir en entrevue le maire de Lévis, Gilles Lehouillier.

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Le maire de Lévis, Gilles Lehouillier

Les terres de Rabaska représentent une pomme de discorde sur la Rive-Sud de Québec. L’Union des producteurs agricoles (UPA) réclame que l’ensemble du site soit réintégré au territoire agricole.

Rappelons que le gouvernement québécois avait dézoné ces terres par décret en 2007 pour un projet de terminal méthanier. Mais le projet Rabaska n’a jamais vu le jour.

Pour l’UPA, il est inconcevable que ces terres accueillent un parc industriel pour Lévis ou encore des installations du port de Québec. L’Union fait d’ailleurs appel aux tribunaux pour exiger que les terres reviennent dans le giron agricole. L’UPA n’a pas souhaité commenter mardi.

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Le président de l’UPA, Martin Caron, lors d’une conférence de presse en octobre dernier sur les terres de Rabaska

« La demande de notre côté demeure la même. Quand les terres avaient été retirées à la zone agricole, il y avait une clause qui prévoyait qu’en cas de non-réalisation du projet Rabaska, les 272 hectares seraient réintégrés à la zone agricole. C’est ce qu’on demande », affirme quant à elle la porte-parole de l’Alliance SaluTerre, Carole-Anne Lapierre.

Près du troisième lien

Le dossier Rabaska occupe deux pages entières du mémoire prébudgétaire de Lévis. « C’est une de nos demandes principales. On espère que le gouvernement y donne suite, mais pour l’instant, c’est bien enligné », indique le maire Lehouillier.

Parmi les arguments en faveur du projet de parc industriel, Lévis fait notamment valoir que les terres de Rabaska « sont localisées dans le secteur où un éventuel tunnel Québec-Lévis pourrait être réalisé, ce qui augmente encore l’intérêt de ces sites potentiels au chapitre de la mobilité et des transports interrives ».

Le site est aussi en bordure du fleuve, à un endroit qui représente un rare potentiel pour un quai en eau profonde. Selon Lévis, tous ces éléments mis ensemble militent en faveur d’un pôle industriel axé sur l’industrie navale.

« Aujourd’hui, la construction navale, ce n’est plus ce que c’était avant. C’est vraiment la haute technologie, indique le maire de Lévis. S’ils construisent un brise-glace Polar au chantier Davie, ce sera un des plus puissants au monde, avec de la haute technologie pour aller dans le Grand Nord. Imaginez l’impact que ça va avoir. »

Si les vœux de Lévis sont exaucés, le gouvernement québécois mettra la main à son portefeuille pour acquérir entre 20 et 30 millions de pieds carrés des terres de Rabaska « à des fins de développement industriel ». Rappelons en guise de comparaison que le terrain acquis par Northvolt sur la Rive-Sud de Montréal est d’une superficie de 18 millions de pieds carrés. L’entreprise suédoise a payé 240 millions de dollars.

Le gouvernement du Québec a confirmé qu’il était en pourparlers avec la Société en commandite Rabaska pour l’achat du terrain. Selon Le Journal de Québec, le gouvernement s’attendait à payer entre 29 et 34 millions.

Le maire de Lévis n’a pas voulu dire s’il allait demander qu’un éventuel développement industriel sur ces terres soit exempté d’une évaluation du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), comme c’est en grande partie le cas pour Northvolt.

« C’est au gouvernement du Québec de déterminer son plan d’action », s’est contenté de répondre Gilles Lehouillier. « La première étape, c’est de se porter acquéreur de l’ensemble du site. C’est le gouvernement du Québec qui assure ce volet-là. »

En entrevue, le maire de Lévis se montre par ailleurs ouvert à conserver un certain usage agricole sur une partie des terres.

Mais c’est insuffisant pour Louis Gosselin, un agriculteur de Lévis qui fait partie des opposants au développement industriel des anciennes terres agricoles. « Faire de l’agriculture sur des terres qui ne sont pas zonées, c’est très risqué, dit-il. Les agriculteurs n’ont pas beaucoup de protection. »

Selon l’UPA, les 272 hectares des terres de Rabaska comprennent 73 hectares cultivables, 43 hectares d’érablières et 60 hectares de milieux humides.