Q : Jeune professeure dans un domaine traditionnellement masculin, je dirige un labo composé d’étudiants au bac et à la maîtrise (moitié hommes, moitié femmes, environ). Une des plus jeunes étudiantes m’a abordée pour me dire qu’elle ne peut pas être pleinement elle-même au travail, notamment parce qu’elle ne se sent pas à l’aise de pleurer en public au labo.

Elle dit aussi que nous devrions parler de nos sentiments et échanger sur nos vies personnelles. Je crois à la valeur d’être soi-même au travail et je tiens à ce qu’une dynamique de groupe positive et saine règne au laboratoire. Cependant, la limite entre les vies privée et professionnelle existe pour une bonne raison. En tant que jeune femme, je suis particulièrement sensible à l’importance de cette limite pour mes étudiants et pour moi-même.

Par ailleurs, c’est frustrant : je doute que cette étudiante aborderait un professeur masculin sur ces enjeux. J’ai l’impression d’être tenue à une norme plus élevée parce que, comme elle, je suis une jeune femme. En tant que patronne et mentore, comment puis-je favoriser une atmosphère où tous se sentent inclus et appréciés sans indisposer ceux d’entre nous qui ne veulent pas partager leurs sentiments au travail ?

Anonyme

R : Pas toujours facile de gérer les différences générationnelles ni d’être tenue à des normes différentes ou déraisonnables. La vie au travail évolue et on observe que certains jeunes recherchent des milieux professionnels où ils peuvent parler de leurs émotions et être eux-mêmes. D’après moi, votre employée aurait évoqué ses préoccupations même avec un patron masculin, quoique sans doute avec moins de facilité.

IMAGE MARGEAUX WALTER, THE NEW YORK TIMES

Certains jeunes recherchent des milieux professionnels où ils peuvent parler de leurs émotions et être totalement eux-mêmes. On peut favoriser un milieu émotionnellement ouvert tout en précisant que votre laboratoire est un lieu professionnel.

Comme vous, je crois en des milieux de travail sains où chacun est à l’aise, même si, en général, je ne me vois pas parlant de mes sentiments avec mes collègues. J’ai des amis pour ça, et la plupart de mes amis ne sont pas mes collègues. Vous pouvez favoriser un milieu émotionnellement ouvert tout en précisant que votre laboratoire est un lieu professionnel.

En tant que patronne, expliquez les normes professionnelles à cette jeune étudiante. Les limites sont importantes. C’est un moment de mentorat. Demandez-lui aussi pourquoi elle pense qu’on devrait parler de ses sentiments et partager davantage. Je doute qu’il soit possible ou même souhaitable de répondre à toutes ses attentes, mais vous pouvez combler la distance qui vous sépare.

Un seul patron, c’est bien assez

Q : Un de mes collègues, qui est chef d’équipe, mais pas cadre, m’a demandé de lui signaler mes absences. J’ai dit que je signalerais mes absences au patron et que, si je le voulais, j’en informerais toute l’équipe. Il n’a pas arrêté de me demander pourquoi je ne voulais pas. Il ne me lâchait pas. Finalement, il y a eu une sorte de compromis, et il m’a dit d’aviser toute l’équipe en cas d’absence.

Je pense que le sujet va rebondir et je ne sais pas comment faire valoir mon point de vue à mon patron et à ce collègue. Ils trouvent que c’est un enjeu simple, qu’on peut simplement le dire d’avance, comme ça, verbalement. Mais je ne veux pas me mettre en relation de subordination officieuse envers lui.

J’apprécierais beaucoup votre aide. Pour diverses raisons, il me faut une manière polie de dire non à ce collègue sans l’offenser davantage.

– Anonyme

R : Pourquoi votre collègue agit-il ainsi ? A-t-il une raison professionnelle d’être avisé de vos absences ? Si votre absence a un impact sur le travail de vos collègues et si les prévenir les aide à planifier leur travail, alors oui, ce serait faire preuve de considération de le faire. Mais si votre absence n’affecte pas les autres, vous ne devez aviser que votre supérieur hiérarchique, selon le règlement de l’entreprise.

Il n’y a pas d’explication à donner à quelqu’un qui ne veut pas se faire dire non. Ce collègue vous comprend parfaitement, il refuse d’entendre ce que vous lui dites. Cessez de vous expliquer, vous lui avez déjà dit ce que vous allez faire, pourquoi et quand.

Des performances insuffisantes

Q : Je gère des gestionnaires. Une de mes gestionnaires arbore haut et fort son engagement pour la diversité et son équipe est nettement la plus diversifiée. Cependant, presque tous nos employés les moins performants – selon les mesures quantitatives des performances et le consensus de tous ses pairs – sont dans son équipe. Elle n’a pris que peu de mesures pour redresser la barre.

Je crains qu’elle abaisse ses critères de recrutement et ignore la qualité du travail de son équipe afin d’honorer son engagement en faveur de la diversité. Ces enjeux de performance deviennent très visibles pour toute l’organisation. Comment puis-je remédier à cette situation ?

Anonyme

R : Avant de vous attaquer à cette situation, vous devez faire une introspection. Pourquoi tous les cadres de votre organisation ne sont-ils pas engagés en faveur de la diversité ? Pourquoi pensez-vous que la composition démographique de cette équipe est en corrélation avec ses performances ? La façon dont vous avez formulé cette question reflète un préjugé inhérent, pernicieux et malheureusement répandu, à savoir que l’adoption et l’encouragement de la diversité signifient un compromis sur l’excellence. Ce préjugé est manifestement faux. Les personnes issues de groupes sous-représentés sont aussi capables que n’importe qui d’autre. Elles ont les mêmes défauts que les autres.

Si votre gestionnaire ne prend pas de mesures pour résoudre les problèmes de qualité de son équipe, c’est une mauvaise gestionnaire et vous devez remédier à ses insuffisances. Si elle aussi a des préjugés et pense qu’elle ne peut pas donner aux membres de son équipe un retour d’information critique de peur de paraître raciste, il faut la détromper. Si ses employés ne parviennent pas à s’améliorer, ils font mal leur travail, mais cette mauvaise performance n’a rien à voir avec leur identité.

Cet article a été publié dans le New York Times.

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