Tous les vendredis, une personne de la communauté des affaires se dévoile dans notre section. Cette semaine, Hélène Godin, présidente-directrice générale, cofondatrice et cheffe de l’innovation pédagogique de La Factry – École des sciences de la créativité, répond à nos questions.

Y a-t-il un moment où votre carrière a basculé ?

Ma carrière a basculé au moment où j’ai démarré La Factry avec mes deux collègues. C’est venu à la suite de mon départ de chez Sid Lee. En fait, ça faisait longtemps que j’avais cette idée de faire des bootcamps [camps d’entraînement] et de l’enseignement. Ç’a toujours été mon discours de démocratiser la créativité dans tous les secteurs confondus.

C’était à point nommé, mais en même temps, c’était une transition un peu drastique : École avec un grand E, des sciences avec un grand S, créativité avec un grand C. Je me disais : « Oh my God ! Pour qui on se prend ? »

Vous enseignez la créativité. Que faites-vous quand vous avez besoin de trouver une idée ?

Je fais beaucoup de vélo. Quand ma tête est concentrée sur la route, mais en mouvement, c’est là que les idées vont monter.

Je ne suis pas très bonne pour trouver des idées sur-le-champ. L’espèce d’éclair, ou d’amalgame de choses, survient souvent quand je suis capable de me déconnecter pour mieux connecter les éléments. Je suis capable de faire les liens, on dirait, quand j’ai du recul.

Quelle a été votre meilleure idée ?

J’en ai deux. Dans mon parcours de design, la première est l’idée du logo et de l’image de marque de la STM – les gros chevrons jaune et bleu sur les bus.

Mixer le bleu avec le jaune pour en faire du vert – car c’était ça, au départ, c’est vraiment une petite histoire – était une belle idée parce que les gens l’ont comprise : ensemble, on est capables de faire du vert. Avec le recul, clairement, ç’a été un bon coup.

Et la deuxième idée, c’est d’avoir lancé l’école.

Avec quel créateur ou créatrice aimeriez-vous discuter ?

Avec [le sculpteur et architecte] Ai Weiwei, pour comprendre cette force qui l’anime, sa détermination par l’art.

Il s’est rebellé sous le régime chinois. Son œuvre est faite pour parler, pour provoquer, pour dire les choses qui sont cachées ou non dites. Il a dénoncé la crise migratoire en faisant des installations avec plusieurs gilets de sauvetage qui sont placés dans des lieux où ils ne devraient pas être. La multiplication des objets, cette espèce de confrontation d’idées, c’est très marquant, c’est très puissant aussi sur le plan visuel.

Avez-vous un objet préféré sur votre bureau ?

J’ai un yoyo. Dans une formation que j’avais suivie, il y avait un atelier avec un yoyo pour apprendre à apprendre. Car il y a des gens qui savent jouer au yoyo et des gens qui ne savent pas. L’idée, c’était de les connecter pour que celui qui ne sait pas puisse apprendre de l’autre.

En créativité, il faut se lancer dans des choses qu’on ne connaît pas. Comment vas-tu chercher cette connaissance-là et comment la transmets-tu ? Ce yoyo-là symbolise beaucoup l’attitude de l’apprenant, pour moi. Et l’attitude du jeu aussi, qui est super importante parce que sans jeu, on n’a pas de fun, et quand il n’y a pas de fun, il n’y a pas d’entreprise non plus.

Avez-vous ou avez-vous eu un mentor ?

C’est drôle que vous me posiez cette question, parce que j’ai pris une résolution cette année : je vais aller me chercher une mentore. Et j’ai appelé Isabelle Duchesneau, qui dirige le Monastère des Augustines à Québec. Je l’ai souvent invitée à La Factry pour qu’elle parle de sa façon de gérer. Cette femme-là a aligné vision, mission et valeurs de façon exceptionnelle.

Je la rencontre vendredi.

Comment vous débranchez-vous ?

Je fais beaucoup d’aquarelle. Je ne suis pas une pro, mais j’aime m’arrêter et faire des petits dessins. J’aime regarder longtemps le même paysage et voir les détails.

Ça repose l’esprit parce que tu es concentrée sur quelque chose. Et c’est satisfaisant. Ou pas : quelquefois, je rate mon coup ben raide !

Quelles sont votre meilleure et votre pire habitudes ?

Ma meilleure habitude est de prendre mon vélo pour à peu près tous mes déplacements.

Ma pire est de mal finir les choses par empressement : j’ai trop hâte de voir le résultat !

Je suis vraiment une fille de prototype, si vous voulez. Je veux voir la chose ! Quitte à recommencer ensuite.

Mais en même temps, le bon côté, c’est que je teste rapidement les choses, et après ça, je sais comment bien faire la deuxième fois. Ce qui est aussi une clé en créativité !

Quel conseil êtes-vous heureuse d’avoir ignoré ?

Je ne sais pas, je crois que je prends toujours les conseils que l’on me donne. Je les détourne s’ils ne font pas mon affaire. Je les remets à ma main, je les refaçonne à ma façon, mais je suis quelqu’un qui écoute beaucoup les conseils.

Vous écouteriez donc le conseil que vous donneriez à la version plus jeune de vous-même. Que lui diriez-vous ?

Je lui dirais : avance, même dans le doute. Il faut avoir confiance que l’équipe autour de toi ou les gens sur ton chemin vont te donner un paquet de réponses.

Avance même si tu n’es pas sûre, même si ce n’est pas fini : ça va se finir en marchant. La quête de la perfection tue la créativité, aussi, parce que c’est en avançant que tu peux bifurquer à gauche ou à droite, modifier ton projet… ou modifier ton projet d’avenir.

Qui est Hélène Godin ?

• Diplômée en design graphique de l’UQAM

• De 1990 à 2001, elle travaille chez Cossette, où elle sera directrice de création.

• De 2000 à 2015, elle est partenaire, directrice de la création et vice-présidente exécutive chez Sid Lee. Elle dirige notamment l’équipe qui crée la nouvelle image de marque de la STM.

• En 2015, avec Marie Amiot et Philippe Meunier, elle fonde La Factry – École des sciences de la créativité.

• En octobre 2023, elle prend la relève de Marie Amiot et devient présidente-directrice générale de La Factry.