Francis Vailles invitait récemment les politiciens à délaisser les rubans en faveur de l’avenue moins excitante qui s’impose : la réfection. Certes, c’est d’abord aux décideurs que la responsabilité incombe. Toutefois, n’oublions pas que les élus sont tributaires du peuple ; qu’ils répondent à ses aspirations. In fine, si les politiciens ont le regard rivé sur les projets qui brillent comme des sous neufs, c’est en grande partie parce que les promesses inédites séduisent à coup sûr l’électorat.

Ainsi, il serait peut-être temps de procéder à un examen de conscience collectif et de reconnaître que notre fascination pour l’approche à court terme nous mène vers un abîme financier.

Pour briser ce cercle vicieux, nous devrions souscrire à un modèle qui nous protégera de nous-mêmes et de nos impulsions délétères.

L’exemple des copropriétés

À cet égard, une incursion du côté des copropriétés s’avère fort inspirante. Avant 2020, les problèmes de gestion d’actifs gangrenaient ce milieu. Dans plusieurs cas, les enjeux, connus depuis longtemps, étaient négligés dans une fuite en avant. Dans d’autres cas, la confiance aveugle en l’avenir faisait en sorte qu’on ne provisionnait pas suffisamment de fonds. Les mauvaises surprises étaient légion. Bref, un fin mélange d’hommerie et de nonchalance était à l’œuvre.

Avec la loi 16, Québec a remédié au problème en assujettissant les copropriétés à une approche résolument plus scrupuleuse.

Beaucoup appréhendaient le changement, mais aujourd’hui, personne ne retournerait en arrière. Les copropriétaires ont désormais saisi l’importance d’anticiper les dépenses, de planifier les investissements et d’éviter les pièges de la procrastination.

Il apparaît clair que tous les ordres de gouvernement, aux prises avec des problèmes similaires, gagneraient à suivre cet exemple.

La création de fonds de prévoyance et de plans minutieux de gestion d’actifs présenterait le grand avantage de constituer une solution à la fois pérenne et indépendante des lubies d’élus qui ne font que passer.

L’angle mort municipal

Cela dit, pour bien planifier, encore faut-il connaître l’heure juste…

Or, comme le rapportent les chercheurs du CIRANO, le Québec ne possède pas un portrait clair de la situation. Chez nous, contrairement à l’Ontario, les déficits de maintien d’actifs municipaux ne sont pas rapportés systématiquement. Pourtant, nos municipalités sont aux prises avec d’immenses besoins en la matière. Les nids-de-poule et les ruptures visibles de canalisations d’eau ne représentent que la pointe de l’iceberg.

Même dans une ville d’à peine 23 000 âmes comme la mienne, le déficit de maintien d’actifs est évalué, très sommairement, entre 200 et 300 millions ! Évidemment, Saint-Lambert est une ville assez vieille. Elle possède donc une courte longueur d’avance sur d’autres municipalités, mais toutes les villes pressentent l’épée de Damoclès qui les guette.

Un portrait plus précis de la situation municipale s’avère incontournable. Après tout, si les municipalités sont des « créatures de Québec », il en va de même de leurs déficits.

L’investissement des tiers

Les chercheurs du CIRANO ont mis en exergue une autre différence entre l’Ontario et le Québec qui pique l’intérêt. Dans la province voisine, les investissements de tiers sont comptabilisés, et les autorités locales se voient parfois contraintes de collecter 10 % du financement requis pour certains projets d’infrastructures. Plutôt que de tout faire porter sur les épaules surchargées du gouvernement, nous pourrions envisager de soulager la pression sur les finances publiques en augmentant les partenariats, les campagnes de financement communautaire et les contributions locales.

Si les détails du plan de sauvetage de nos infrastructures restent à établir, une chose est néanmoins limpide : nous ne pouvons plus remettre à plus tard le grand chantier de la réfection. Troquons l’insouciance de la cigale pour la prévoyance de la fourmi.

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