La pression a continué à s'accentuer hier sur le gouvernement de Justin Trudeau, accusé de toutes parts de ne pas se montrer assez sévère envers la firme comptable KPMG et les « bandits à cravate » qui pratiquent l'évasion fiscale.

« Si un propriétaire d'une entreprise familiale fait une erreur dans sa déclaration d'impôts, bonne chance, car il aura le gouvernement à ses trousses, mais si un millionnaire décide de ne pas payer ses impôts, pas de problème : le gouvernement va le protéger », a lancé le chef néo-démocrate Thomas Mulcair.

Le gouvernement Trudeau est sur la sellette depuis la révélation de stratagèmes fiscaux élaborés par KPMG au profit de multimillionnaires canadiens. Les contribuables fautifs auraient bénéficié d'une amnistie de la part de l'Agence du revenu du Canada (ARC), selon l'émission Enquête, tandis que KPMG a continué de récolter de lucratifs contrats fédéraux.

Le député bloquiste Rhéal Fortin a vertement critiqué l'apparente clémence d'Ottawa dans ce dossier. « Plus de cinq ans après avoir découvert la fraude de l'île de Man, le gouvernement n'a toujours pas déposé d'accusation criminelle contre KPMG, a-t-il dénoncé à la Chambre des communes. À la place, on lui a donné des contrats pour 92 millions de nos dollars. »

LEBOUTHILLIER RÉPOND

Pressés de questions par l'opposition, Justin Trudeau et la ministre du Revenu national, Diane Lebouthillier, ont dû défendre à plusieurs reprises le travail de leur gouvernement.

« C'est grâce aux efforts de l'Agence du revenu du Canada que les stratagèmes de KPMG ont été découverts à l'étranger, a affirmé Mme Lebouthillier. Actuellement, le dossier est en cours, nous ne pouvons pas donner d'informations, mais la Chambre peut être assurée que nous continuons de travailler dans le sens de ce que nous avons dit durant la dernière campagne électorale. »

JUGES EN EXAMEN

Quoi qu'il en soit, l'affaire KPMG n'a pas fini d'avoir des échos à Ottawa. Le Conseil canadien de la magistrature a décidé hier de lancer un examen sur de possibles « inconduites » de la part de trois juges impliqués dans le dossier, à la suite de plaintes.

Normand Sabourin, directeur général du Conseil, a affirmé à Radio-Canada qu'un examen formel serait lancé concernant le juge en chef de la Cour canadienne de l'impôt, Eugene Rossiter, et le juge Denis Pelletier, de la Cour d'appel fédérale. Le magistrat Randall Bocock, de la Cour canadienne de l'impôt, sera aussi visé.

Enquête a révélé la semaine dernière que les juges Bocock et Pelletier avaient participé à des événements sociaux payés par KPMG et le cabinet d'avocats Dentons, pendant un congrès en Espagne. Ces deux firmes avaient alors des causes pendantes dans des dossiers de fraude fiscale.

Le juge en chef Rossiter avait plus tard cautionné - et même encouragé - la participation à de tels événements festifs, malgré les apparences de conflits d'intérêts.

Sans commenter les développements des derniers jours, la porte-parole de KPMG au Canada, Tenille Kennedy, a dirigé La Presse vers des déclarations de 2016. En gros, l'entreprise soutient que le stratagème fiscal mis en cause ces derniers jours n'a pas été utilisé depuis près de 10 ans et respectait toutes les lois sur l'impôt.