Deux anciens courtiers-vedettes de Valeurs mobilières Desjardins (VMD) poursuivent l'entreprise pour congédiement abusif et lui réclament 6,2 millions de dollars.

Le congédiement de Marc Dalpé et Jean-Marc Milette avait fait grand bruit dans le milieu en novembre 2011. Valeurs mobilières Desjardins (VMD) affirmait que les deux conseillers avaient fait des transactions aux Bahamas pour des clients sans en informer leurs supérieurs. Les courtiers limogés, de leur côté, ont toujours affirmé que leur supérieur immédiat était au courant de leurs activités offshore, qui n'avaient rien d'illégal.

En même temps que ces deux courtiers, qui géraient à l'époque l'une des plus grosses équipes de placement de l'entreprise, VMD avait congédié sept autres conseillers, dans plusieurs de ses bureaux au Québec, pour des motifs semblables. Trois autres de ces anciens employés poursuivent VMD pour congédiement abusif. Daniel Bergeron, de Sherbrooke, a réclamé 1,2 million dans une poursuite déposée à la fin de 2012. Quant à Carol Jean et Benoît Leclerc, de Rivière-du-Loup, ils réclament 1,4 million chacun.

Perte de clients

Marc Dalpé et Jean-Marc Milette travaillent maintenant pour la firme Richardson GMP. Dans leur requête déposée lundi devant la Cour supérieure, à Montréal, ils expliquent avoir perdu de nombreux clients à la suite de leur congédiement et avoir subi d'importantes pertes financières. «Pour les 10 premiers mois de 2011, les revenus d'emploi de chacun des demandeurs ont été de 2 490 000$, soit environ 250 000$ par mois, peut-on lire dans leur requête. Chez Richardson GMP, les demandeurs gagnent chacun environ 75 000$ par mois.»

Des sanctions ont été imposées aux deux courtiers en mars par l'Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), qui les a condamnés à verser une amende de 15 000$ chacun, en plus de rembourser des commissions de 127 500$, plus 10 000$ pour le paiement des frais de l'OCRCVM.

L'entente de règlement indique que MM. Dalpé et Milette «ont reconnu avoir mené des activités liées aux valeurs mobilières sans inscription dans les livres de leur employeur». Mais ils affirment que leur supérieur connaissait leurs activités depuis leur embauche en 2003 et ne s'y opposait pas.

L'enquête de l'OCRCVM a donné des munitions aux deux courtiers, ce qui explique le dépôt de leur poursuite, un an et demi après leur congédiement, explique leur avocate, Me Suzanne Gagné, qui représente aussi Carol Jean et Benoît Leclerc dans leur cause contre VMD. «L'enquête factuelle dans le cadre des procédures de l'OCRCVM nous a permis d'obtenir de nouveaux éléments de preuve pour étoffer notre position», dit-elle.

Une pratique courante

Les courtiers soutiennent que VMD a voulu renégocier leur rémunération à la baisse. C'est leur refus qui aurait mené à leur congédiement.

Ils contestent donc les motifs de leur congédiement. Dans leur requête en Cour supérieure, ils affirment que «VMD savait pertinemment que plusieurs conseillers en placement géraient des comptes à l'étranger pour leurs clients et recevaient une rémunération hors registre».

Ils soutiennent aussi que les deux anciens présidents de VMD, Jean-Pierre De Montigny et Germain Carrière, ont reconnu être au courant de l'existence de ces comptes et qu'ils fermaient les yeux sur cette pratique.

Devant le tribunal, ils ont également l'intention de démontrer que VMD embauche régulièrement ou garde à son emploi des conseillers trouvés coupables de manquements beaucoup plus graves.

Chez Desjardins, on se dit étonné de cette poursuite. «Ils ont été congédiés en raison d'un bris de confiance, pour avoir effectué des transactions à l'étranger sans que leurs patrons ne soient au courant, explique le porte-parole de l'institution, André Chapleau. Nous avons une tolérance zéro à cet égard et nous allons défendre notre position.»