On craignait le pire en ce début d'année pour le refinancement des dettes italienne et espagnole. Ces deux États, fragilisés par la récession et la crise de la dette souveraine qui envenime toute la zone, avaient dû consentir des taux aux environs de 7% en fin d'année. Ce taux était jugé insoutenable et risquait de les forcer à se réfugier dans les bras constricteurs du Fonds monétaire international (FMI).

Eh bien! pas encore. L'Espagne a réussi hier une émission de 10 milliards d'euros venant à échéance dans trois ans pour laquelle elle a consenti un taux de 3,384%. C'est beaucoup mieux que les 5,187% qu'avaient exigés les prêteurs en décembre pour une émission de même échéance. Mieux, la demande était bonne puisque Madrid visait un emprunt de 5 milliards.

L'Italie n'a pas été en reste avec une émission de 12 milliards. Pour cet emprunt d'un an, Rome payera 2,735% aux prêteurs alors qu'elle avait dû offrir 5,952% avant les Fêtes.

Succès de la BCE

Derrière ce succès, il faut voir l'initiative du nouveau président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi. Dès son entrée en fonction, l'automne dernier, il avait surpris en abaissant le taux directeur et surtout en annonçant l'extension d'un an à trois ans de l'échéance des opérations de refinancement de la Banque pour lesquelles il n'y a pas de plafond.

L'objectif était double: dégeler le prêt interbancaire qui compromet l'activité économique et gorger les banques de liquidités bon marché afin qu'elles puisent (r)acheter la dette souveraine des 17 États membres. Le 21 décembre, 523 banques se sont ruées sur 489 milliards prêtés durant trois ans à un taux imbattable.

On s'inquiète à bon droit du comportement des banques. Elles ont d'abord déposé cet afflux d'argent frais à la BCE. En début de semaine, leurs réserves excédentaires parquées à la BCE s'élevaient à 486 milliards, comparativement à 221 milliards en juillet et pratiquement rien, il y a un an. Bref, a écrit l'économiste Derek Holt de Scotia Capitaux mercredi, la gestion des liquidités par la BCE semble être tombée dans le même piège que la Réserve fédérale américaine: elle qui n'avait pratiquement aucun dépôt en 2008 en a environ 1500 milliards maintenant.

Néanmoins, la BCE paraît avoir apaisé les craintes que les pays fragiles de la zone euro ne parviennent pas à se refinancer en début d'année. En expliquant la reconduction à 1% du taux directeur de la BCE, M. Draghi a affirmé hier que, «selon certains indicateurs récents, il existe des signes apparents de stabilisation économique». Cela laisse croire que le creux du repli de la croissance n'est peut-être pas loin.

De toute façon, a-t-il ajouté, rien n'est écarté, si la situation le justifie et il y aura une nouvelle opération de refinancement d'une échéance de trois ans, dès la fin de février.

Sur le front politique, le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière Angela Merkel multiplient les pressions pour que les détails du pacte fiscal convenu à la fin de décembre soient connus avant la fin du mois.

Tensions

Les tensions sont pourtant loin d'être dissipées. Devant la montée des la gronde populaire, le gouvernement technocratique grec se montre plus gourmand vis-à-vis de ses créanciers privés. Alors qu'ils paraissaient résignés à accepter une dévalorisation de 50% de la valeur des obligations hellènes en leurs mains, Athènes exigerait maintenant davantage. Une entente avec les obligataires privés est un préalable au versement d'une première tranche du deuxième plan d'aide de 110 milliards d'euros convenu l'été dernier avec l'Union européenne et le FMI.

L'Autriche, pays qui fait envie avec le taux de chômage le plus faible de la zone, doit à son tour consentir des taux plus élevés que sa note de crédit AAA justifie. Elle devra payer 2,21% d'intérêt pour l'émission de 600 millions d'euros venant à échéance dans cinq ans. Son problème? Ses banques sont les plus grandes créancières de la Hongrie, pays qui s'enfonce dans la récession, qui boude le plan d'austérité exigé par le FMI et qui défie l'Union européenne en refusant de ne pas s'ingérer dans la politique de sa banque centrale. À Budapest, la colère gronde là aussi. Elle ne pourra que se répandre à travers le continent, à mesure que les plans d'austérité nouvellement adoptés seront pleinement ressentis par les populations.

«Les pays créanciers ne réussiront probablement pas à résoudre ce qui ressemble fort à la quadrature du cercle, à savoir élaborer un plan assez ambitieux pour satisfaire les marchés, mais assez modéré pour ne pas enrager leurs populations», analysent Pierre Fournier et Angelo Katsoras, de la Banque Nationale, dans la dernière édition de Repères géopolitiques.

Et dans cette analyse détaillée, ils ne tiennent pas compte des engagements des régimes de retraite de 19 pays européens. Il y en a pour près de 30 000 milliards d'euros, non capitalisés. La faible croissance, le vieillissement de la population et la désinflation creusent des déficits actuariels insoutenables, gages de lendemains qui déchantent.

Une embellie n'est pas le retour du beau temps.