Trois ans après le choc financier provoqué par l'effondrement de la banque américaine Lehman Brothers, l'Allemagne n'en a pas fini avec ses «bad banks» et leurs milliards d'euros d'actifs à risque, d'autant plus que la confiance des investisseurs est en berne.

Berlin avait décidé en 2009 d'autoriser la création de structures externes aux banques allemandes pour leur permettre d'évacuer de leur bilan leurs actifs toxiques, d'où leur surnom peu flatteur de «bad banks».

Ces structures stockent ces actifs à leur valeur comptable, en espérant les revendre un jour à profit ou alors les garder jusqu'à leur échéance.

FMS Wertmanagement a hérité en 2010 d'environ 175 milliards d'euros d'actifs à risque de la banque Hypo Real Estate (HRE), nationalisée auparavant par l'État fédéral. EAA a été initialement dotée de 77,5 milliards d'euros d'actifs toxiques provenant de la banque publique régionale en difficulté WestLB.

Leurs pertes éventuelles doivent être couvertes par de l'argent public, en l'occurrence l'État fédéral pour FMS Wertmanagement et l'État régional de Rhénanie-du-Nord-Westphalie (nord-ouest) pour EAA, menaçant ainsi l'équilibre budgétaire visé par l'Allemagne en 2014.

Médias et experts allemands spéculent régulièrement sur l'ampleur possible du gouffre financier. Les pertes de la bad bank de HRE pourraient s'élever jusqu'à 50 milliards d'euros, a déclaré à l'AFP le professeur Dirk Schiereck, professeur à l'Université TU Darmstadt (ouest).

Ce montant proviendrait pour moitié de dépréciations sur des titres financiers, comme des obligations d'États de la zone euro ou la couverture d'emprunts étudiants américains, et le reste de dépréciations sur crédits à risque, notamment dans l'immobilier commercial, selon l'universitaire.

Pour l'instant aucune disposition particulière n'a été prise par Berlin pour faire face à ce scénario catastrophe, souligne-t-il.

«C'est de l'explosif pour le politique», selon M. Schiereck, qui soupçonne la coalition dirigée par Angela Merkel de vouloir laisser cette bombe à retardement à ses successeurs.

Interrogé par l'AFP, un porte-parole du ministère allemand des Finances s'est refusé à tout commentaire. Jusqu'ici, Berlin estime officiellement que les capitaux propres de près de 3,9 milliards d'euros promis en 2010 à FMS Wertmanagement seront suffisants pour couvrir les pertes éventuelles.

Or dès son premier exercice l'an dernier, elle a subi une perte d'environ 3 milliards d'euros pour cause de provisions pour risque, épuisant ainsi près des trois quarts de ce capital.

«Il est évident que nous devrons passer de nouvelles dépréciations (...), de nombreuses parties de notre portefeuille ont encore des difficultés», a reconnu Andreas Henry, son porte-parole.

L'objectif initial de revendre ou de garder jusqu'à échéance 70% des actifs d'ici 2020 puis de céder le reste à leur valeur d'achat «est en train d'être retravaillé» car il «sera difficile à atteindre» a-t-il précisé.

Chez EAA, «l'objectif est de se débarrasser de la moitié environ des actifs d'ici 2014, il n'y a pas de date limite pour le reste» qui doit être vendu au moment le plus opportun, rappelle sa porte-parole Marie Luise Hoffmann.

Le deuxième plan européen de sauvetage de la Grèce, qui implique une participation des créanciers privés, complique encore la tâche des bad banks allemandes, invitées à contribuer à l'effort général.

Celle de HRE a annoncé début septembre qu'elle allait échanger près d'un milliard d'euros de ses obligations publiques grecques contre de nouvelles d'un montant équivalent mais de maturité plus longue.

Et lundi celle de WestLB va très probablement faire de même, selon Mme Hoffmann.