Le plan de réduction du déficit adopté par le Congrès mardi laisse les États-Unis sur la voie de déficits budgétaires abyssaux, faute de toucher à une fiscalité insuffisante pour combler la hausse prévue des dépenses.

Arrêter la montée de la dette publique en agissant uniquement sur les dépenses, sans nouvelles sources de recettes à ce stade: le plan sur lequel démocrates et républicains se sont mis d'accord a des objectifs ambitieux.

Mais pour les analystes de la banque Barclays, le compromis obtenu au terme de semaines de négociations «ne s'attaque pas de manière crédible au déficit».

«Il ne règle pas les problèmes budgétaires de long terme auxquels est confronté le pays», confirme Sebastian Mallaby, économiste du Council on Foreign Relations.

Même si les auteurs du compromis se sont félicités des économies programmées, les dépenses de l'État fédéral vont continuer à augmenter.

Selon les projections du Bureau du budget du Congrès (CBO), un organisme indépendant des élus, les dépenses «discrétionnaires» (celles des ministères) avanceront plus lentement que prévu jusqu'ici, principalement après 2014. Mais elles avanceront tout de même, pendant que les dépenses de protection sociale continueront leur montée inexorable.

«Une réduction des dépenses de 91,7 milliards de dollars par an en moyenne sur une décennie est insignifiante» par rapport au budget de l'État fédéral, souligne Bill King, de la maison de courtage M. Ramsey King Securities.

«La dépense n'est pas réduite du tout. Les 'coupes' prévues dans le compromis sont seulement mesurées par rapport à la 'projection centrale' du CBO, qui est la façon dont Washington présente des dépenses en hausse perpétuelle», déplore Chris Edwards, spécialiste des questions budgétaires au très libéral Cato Institute.

Les Etats-Unis ont a priori les moyens de dépenser plus.

D'une part, le niveau de leurs dépenses publiques est encore raisonnable. Selon les projections du Fonds monétaire international, parmi les pays du G7, ils seront en 2011 ceux qui auront les dépenses publiques les plus faibles, rapportées au produit intérieur brut (41,2%).

D'autre part, leurs coûts d'emprunt restent parmi les plus bas du monde. Mais nul ne sait s'ils le resteront en l'absence de réduction importante du déficit, actuellement aux environs de 9% du PIB (le plus élevé du G20 après le Japon).

Le Congrès n'a pas souhaité pour le moment augmenter les recettes et s'en remet à la croissance économique.

C'est un pari risqué. «Il faut que nous réalisions que les recettes ne vont pas suffir pour couvrir à long terme le coût de l'État», déclare à l'AFP-Vidéo l'économiste Gary Burtless.

Car la croissance risque de décevoir par rapport aux 3,6% envisagés pour 2012 par la Maison Blanche dans son projet de budget de février. Sans compter les 4% ou plus espérés en 2012, 2013 et 2014.

«Toutes les économies budgétaires envisagées pourraient être de fait balayées si le PIB des États-Unis continue à être considérablement plus faible que supposé dans les projections budgétaires de l'exécutif», soulignent les analystes de Barclays.

Pour Paul Krugman, prix Nobel d'économie et adversaire acharné de la rigueur budgétaire, c'est une certitude: la croissance est en danger. «Couper dans les dépenses à un moment où l'économie est déprimée n'aidera même pas beaucoup l'état du budget, et pourrait bien l'empirer», écrivait-il dans le New York Times lundi.

La Maison Blanche espère obtenir des hausses d'impôts plus tard, avec la commission bipartite qui doit négocier de nouvelles mesures pour réduire le déficit d'ici à novembre.

«Je dirais simplement que l'idée selon laquelle il est imposible pour la commission bipartite d'augmenter les recettes fiscales n'est pas exacte», a ainsi indiqué le porte-parole de la présidence américaine, Jay Carney, à une presse qui imaginait mal les républicains revenir sur leur engagements à ne tolérer aucune hausse d'impôt.