Plus de 200 investisseurs mécontents se sont présentés en cour, hier, pour assister au début des audiences sur le recours collectif intenté dans l'affaire Mount Real. La cible du recours: les fiduciaires et les vérificateurs comptables de Mount Real, qu'ils tiennent responsables de leurs pertes.

Au fil des mois, les investisseurs se sont plaints des très longs délais qu'ils ont subis avant que leur cause soit entendue. Hier, le procès a finalement commencé, deux ans et sept mois après le dépôt de leur requête.

«C'est un soulagement», nous a dit Bruno Pelletier, le chanteur qui a perdu 250 000$ dans cette affaire.

«On a tous les espoirs», lance Andrée Ménard, représentante des 1600 investisseurs floués dans cette affaire.

Première étape

Le chemin sera encore long à parcourir. Les victimes n'en sont qu'à l'étape de demander au juge l'autorisation d'intenter un recours collectif. Le débat de fonds n'aura lieu que si cette première étape est franchie.

Les trois firmes comptables et les deux gardiens de valeurs poursuivis ont une dizaine d'avocats pour les défendre contre la poursuite de 130 millions de dollars. Et ils affirment avoir un argument solide: il n'y a aucun lien de causalité entre les dommages subis par les investisseurs et leur travail.

L'avocat plaidant pour les victimes, Bruce Johnston, s'est affairé à démontrer la représentativité du groupe, la faute commise par les comptables et les gardiens de valeur et les liens causals entre la faute et les pertes des investisseurs. Ces critères sont essentiels pour que le juge donne son autorisation au recours.

Selon M. Johnston, la fraude est un stratagème à la Ponzi, semblable à celui de Bernard Madoff, aux États-Unis. Mount Real et son PDG, Lino Matteo, payaient les rendements des investisseurs grâce au capital des nouveaux entrants dans leur système. La pyramide s'est écroulée quand tous ont réclamé d'être remboursés en même temps.

Une telle fraude à la Ponzi se base sur la confiance qu'ont les investisseurs en l'entreprise. Or, la crédibilité de l'entreprise repose sur les vérificateurs comptables externes, qui ont approuvé sans réserve les états financiers de Mount Real pendant huit ans. Ces vérificateurs sont Deloitte&Touche, BDO Dunwoody et Schwartz Levitsky Feldman. «Sans l'approbation des vérificateurs, une fraude aurait été impossible», dit-il.

Des invraisemblances

Selon Me Johnston, les états financiers «contenaient des invraisemblances, que même des enfants d'école auraient pu voir».

Par exemple, la PME fonctionnait par l'entremise de 130 filiales, qui relevaient ultimement du même siège social, rue Allard, à LaSalle. Le manuel de référence des comptables précise pourtant qu'il faut se méfier d'un tel enchevêtrement d'entreprises.

Autre exemple: Me Johnston a démontré que la direction de Mount Real a structuré une transaction de toutes pièces avec des sociétés apparentées pour gonfler les profits de l'entreprise. L'avocat estime aussi que les vérificateurs auraient dû réagir, en 2002, quand Mount Real a effacé de ses états financiers une dette de 56 millions de dollars en la transférant dans une coquille vide en Angleterre. «Il faut être totalement incompétent ou vendu pour ne pas voir ça», dit-il.

Les gardiens de valeurs ou fiduciaires Penson Canada et B2B Trust sont tout autant blâmés. À l'origine, les titres de Mount Real étaient admissibles au REER. Or, avec les multiples transactions de l'organisation, ils sont devenus inadmissibles, mais les fiduciaires n'ont rien vu et ont continué d'émettre des reçus d'impôt.

L'avocate représentant Deloitte, Marianne Ignacz, s'est appliquée à démolir la théorie des requérants. Elle ne s'est pas penchée sur les fautes reprochées, mais sur les liens entre le travail des vérificateurs et les dommages subis.

Ce n'est pas parce que les investisseurs ont lu les états financiers qu'ils ont investi dans Mount Real, dit-elle, mais parce qu'ils se sont fiés à leurs conseillers financiers. Connaissaient-ils même l'existence des vérificateurs, ou des états financiers?

Bref, il n'y a pas de lien causal, plaide-t-elle, et les victimes ne peuvent donc reprocher aux vérificateurs d'être responsables de leurs pertes. Or, en droit, ce lien de causalité est primordial, affirme Mme Ignacz. «On peut avoir de la sympathie pour les investisseurs, mais ça ne permet de changer les lois et la jurisprudence unanime sur le sujet», dit-elle.