Le projet de REER obligatoire de Claude Castonguay a provoqué une levée de boucliers à Québec, hier. Sans tarder, le gouvernement a rejeté l'idée d'instaurer une épargne-retraite forcée de 5% du salaire pour tous les travailleurs québécois qui n'ont pas de régime de retraite avec leur employeur.

«La volonté du gouvernement n'est pas d'obliger les gens à mettre de l'argent dans leur REER, mais plutôt de prendre les moyens nécessaires pour les aider à épargner», a dit Nicolas Murgia, attaché presse de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, Julie Boulet.

Plutôt, Québec appuie le projet fédéral visant la création d'un régime de retraite multi-employeurs. À la fin de décembre, le ministre des Finances du Canada Jim Flaherty a annoncé la mise en place d'un nouveau Régime de pension agréé collectif.

Le RPAC se veut une option d'épargne simple et peu coûteuse pour les travailleurs autonomes et les PME. Ces travailleurs sont très souvent laissés à eux-mêmes pour la planification de leur retraite. Et ils n'épargnent pas assez.

Si rien n'est fait, plus de la moitié des travailleurs québécois subiront une baisse significative de leur niveau de vie à la retraite, a fait ressortir le rapport intitulé Le point sur les pensions, publié mardi par M. Castonguay. Ancien ministre de la Santé, l'actuaire est considéré comme le père de l'assurance maladie.

Libre choix

Si le diagnostic fait consensus, aucun parti politique n'approuve le remède proposé par M. Castonguay.

L'Action démocratique du Québec (ADQ) est en désaccord. «Je prône le libre choix, plutôt que des mesures contraignantes, a dit le député adéquiste François Bonnardel. Je pense qu'on n'a pas à dicter un pourcentage d'épargne aux Québécois pour s'assurer d'une retraite paisible. Les gens sont assez intelligents pour le prévoir eux-mêmes», a-t-il ajouté.

Pour inciter les Québécois à l'épargne, il mise sur le retour des cours d'économie qui ont été retirés de l'école secondaire. Il croit aussi que la Régie des rentes du Québec (RRQ) pourrait ouvrir ses portes aux PME qui veulent mettre en place un régime de retraite.

Le Parti québécois est également contre l'idée d'un REER obligatoire. «On n'est plus à l'époque des obligations mur-à-mur», a dit François Rebello, critique péquiste en matière de régime de retraite.

«On devrait offrir un régime de retraite collectif multi-employeurs pour offrir une option aux travailleurs qui n'en ont pas», préconise-t-il. Plutôt que de forcer les travailleurs à épargner, il estime que le gouvernement devrait encourager tous les employeurs à contribuer à la retraite de leurs employés, pour inciter presque automatiquement les employés à faire aussi leur part.

Rééquilibrer la RRQ

Par ailleurs, les partis de l'opposition approuvent la recommandation de M. Castonguay pour rétablir l'équilibre financier de la RRQ.

Le niveau actuel de contribution n'est pas suffisant. Il faudrait le relever de 9,9% à 10,95% pour maintenir une réserve suffisante afin d'assurer le paiement des rentes. Autrement, la réserve sera épuisée en 2035, plutôt qu'en 2051 comme requis.

«Tant que cette révision ne sera pas effectuée, une part grandissante du coût des rentes des personnes qui sont en voie de prendre leur retraite va être transférée sur les travailleurs plus jeunes. Ce qui est nettement inéquitable», estime M. Castonguay.

L'ADQ et le PQ pressent le gouvernement d'agir. «Chaque fois que le gouvernement reporte la décision de rééquilibrer la Régie des rentes du Québec, il se crée une dette de 800 millions par année, envers les générations futures. C'est très grave», insiste M. Rebello.

La Caisse à l'oeil

L'Association québécoise des retraités des secteurs public et parapublic (AQRP) estime qu'il faudrait aussi surveiller la Caisse de plus près, comme le suggère M. Castonguay.

À son avis, le déséquilibre de la RRQ est largement attribuable aux piètres rendements de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Le financement de la RRQ est fondé sur une hypothèse de rendement de 7%. Or, la Caisse a obtenu un rendement moyen de 2,9% au cours de la dernière décennie. Cela est nettement inférieur au rendement de 5,5% obtenu par le Régime de pension du Canada, l'équivalent de la RRQ ailleurs au Canada.