La France a décidé de retourner à la Suisse une liste de 130 000 clients de la banque HSBC qui avait été saisie sur l'ordinateur d'un ancien employé de l'établissement, Hervé Falciani, réfugié dans le sud du pays.

«Le parquet général en liaison avec le ministère de la Justice a analysé les éléments de la demande d'entraide suisse. Il n'y a pas d'élément particulier qui conduirait à une absence de transmission», a déclaré hier un responsable français.

La décision risque de ravir les ressortissants de plusieurs pays étrangers soupçonnés d'avoir utilisé l'institution pour soustraire une part de leurs revenus au fisc.

Il y a une semaine, un procureur dans le dossier, Eric de Montgolfier, avait déclaré que de «très nombreux» pays étaient représentés sur la liste. Hier, une porte-parole du ministère fédéral du Revenu du Canada a confirmé que le fisc canadien s'intéressait au contenu de la liste. Elle n'a pu préciser cependant si des échanges avaient déjà eu lieu avec la France à ce sujet.

«Nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que les lois fiscales canadiennes soient respectées», a déclaré Caitlin Workman.

La demande de collaboration risque d'arriver trop tard puisque la France entend procéder «très rapidement» au renvoi des données. La Suisse, qui défend férocement le secret bancaire, est peu susceptible pour sa part de donner suite à une requête qui serait assimilable à une «partie de pêche».

Berne a signé des ententes de collaboration bilatérales avec nombre d'États mais la divulgation d'informations bancaires est normalement limitée aux cas où le pays demandeur dispose d'indications précises sur les malversations présumées d'un contribuable.

France

Bien que des dizaines de milliers de personnes risquent d'échapper aux autorités fiscales grâce au renvoi de la liste, ce ne sera pas le cas pour les 3000 Français qui y figurent.

Un responsable au sein de l'administration fiscale a indiqué que les informations recueillies relativement à ces personnes avaient été consignées dans un ficher informatique et qu'elles permettraient de «lancer et faire aboutir les contrôles fiscaux» dès le mois de janvier.

Craignant d'être pris en faute, plusieurs centaines de contribuables français ont procédé depuis le début du mois à une divulgation volontaire.

La décision de restitution de la liste survient après que le pays eut menacé de suspendre l'application d'une entente de collaboration fiscale récemment conclue avec la France. Le Sénat français avait évoqué, en guise de réponse, la possibilité de placer la Suisse sur une liste noire mais a reculé à la demande du ministre du Budget, Eric Woerth.

Les autorités helvètes avaient ouvert une enquête l'année dernière contre Hervé Malciani, qui est soupçonné de piratage.

L'informaticien, qui affirme avoir accédé aux données légalement dans le cadre de son travail, a multiplié les entrevues au cours des derniers jours. Il répète qu'il a décidé de prendre contact avec les autorités françaises après avoir tenté en vain d'amener la direction de la HSBC à revoir un «système opaque» permettant, selon lui, de rendre indétectables certaines transactions bancaires.

Des médias français ont rapporté que l'homme aurait au préalable tenté de vendre ses données à des banques libanaises susceptibles d'être intéressées par une liste de noms de riches clients.

En entrevue au quotidien Nice-Matin, M. Malciani a ajouté à la confusion hier en disant qu'il s'était rendu au Liban à la demande d'agents d'un service de renseignement occidental «qui soupçonnaient un groupe terroriste islamique de vouloir pirater la HSBC». Un étonnant récit que rien ne vient étayer pour l'instant.

L'affaire franco-suisse survient alors que le Canada fait monter la pression en matière d'évasion fiscale. Plus de 7000 contribuables, craignant d'être soumis à un contrôle fiscal, ont décidé de procéder à une divulgation volontaire depuis le début de l'année.