À l'origine une modeste entreprise de graphisme qui faisait des cartes professionnelles et des menus de restaurants, la firme montréalaise de publicité et de marketing Sid Lee a réussi à obtenir l'an dernier le compte mondial pour le géant Adidas.

Un exploit digne de mention, car ce serait la première fois qu'une entreprise canadienne spécialisée en pub décroche un aussi gros contrat à l'échelle mondiale. Et ce n'est qu'un début, affirme Bertrand Cesvet, président du conseil de Sid Lee.

 

Sid Lee n'est pas le nom du fondateur de la PME, ni un personnage inventé. Il s'agit plutôt d'une anagramme obtenue à partir des lettres du mot Diesel, l'ancienne raison sociale du groupe créatif de Bertrand Cesvet et de sa bande. «Les gens nous confondaient avec le fabricant de jeans italien Diesel, qui est devenu très connu. Il n'y a pas eu de chicane. On a tout simplement pris l'initiative de changer de nom il y a deux ans», dit M. Cesvet.

Ce changement de patronyme n'est pas à l'origine du rayonnement international de Sid Lee et encore moins de sa forte croissance, d'une moyenne de 25% depuis sept ans. La réussite de cette PME réside plutôt dans sa volonté de miser avant tout sur la créativité, comme l'a toujours fait le Cirque du Soleil.

La troupe de Guy Laliberté n'est d'ailleurs pas étrangère au succès de Sid Lee. «Le Cirque a été une sorte de mentor pour nous. C'est notre client depuis 2001. Il nous a fait faire le tour du monde et nous a en quelque sorte appris comment ça fonctionnait à l'international. Nous étions donc préparés quand nous sommes allés chercher un client comme Adidas», explique Bertrand Cesvet.

Et outre cette expérience à l'international, c'est grâce à une nouvelle approche qui repose essentiellement sur le «capital conversationnel» (le bouche à oreille positif, si l'on veut) que Sid Lee a pu charmer un géant de la trempe d'Adidas. Cette approche, qui vise à amener les gens à parler en bien d'un produit donné, a inspiré Bertrand Cesvet. Le livre Conversationnal Capital, qu'il a coécrit avec ses collègues Tony Babinski et Eric Alper, sort ces jours-ci dans sa version française.

«Dans le cas d'Adidas, on les a approchés en leur disant qu'ils pouvaient faire parler d'eux en changeant le design de leur boutique. C'est comme cela que ça a commencé. Le loup était entré dans le bergerie et on a réussi à décrocher le compte mondial par la suite. On s'occupe donc de leur site web, de leurs pubs imprimées, du design de leurs boutiques et même du développement de nouveaux produits», dit Bertrand Cesvet.

Créativité commerciale

Sid Lee est donc à cent lieues de la traditionnelle agence de pub et de marketing. La PME préfère d'ailleurs qu'on la présente comme une «agence de créativité commerciale». Elle compte dans ses rangs non seulement des rédacteurs, des webmestres et autres idéateurs, mais aussi des architectes et des designers industriels.

Parmi ses autres faits d'armes, l'entreprise montréalaise, par le truchement de son nouveau bureau d'Amsterdam, vient d'obtenir le compte publicitaire pour le 400e anniversaire de fondation de la ville de New York, autrefois appelée New Amsterdam. «Ça faisait quatre mois que notre bureau était ouvert là-bas quand on a été approchés», s'étonne le président du conseil de Sid Lee.

La PME travaille surtout en Amérique du Nord et en Europe. Elle est sur le point de décrocher un important client en France. Une multinationale dont elle préfère taire le nom. L'affaire est sur le point d'être conclue car, dans la foulée, Sid Lee est actuellement en train d'ouvrir un bureau à Paris. Il n'est pas exclu que l'entreprise ouvre un quatrième bureau, cette fois à Miami.

Outsider

La semaine dernière, quand nous l'avons rencontré, Bertrand Cesvet n'avait pas beaucoup dormi. La veille, sa bande et lui avaient remporté le grand prix Créa pour la campagne Adidas, baptisée Celebrate Orginality. Ce type de gala et de récompense fait plaisir à M. Cesvet, mais la chose n'est pas ce qu'il y a de plus grisant, selon lui. «Je me suis toujours vu comme un outsider dans le domaine. J'ai toujours été mal à l'aise d'aller dans des galas», dit-il en substance.

Iconoclaste, Bertrand Cesvet? En tout cas, son bureau du Vieux-Montréal ressemble à tout sauf au repaire d'un golden boy de la pub. Dans une pièce exiguë, un peu en désordre, se trouve une simple table de travail. Et dans une autre pièce, meublée d'un canapé d'angle de style moyen-oriental, on se croirait dans un salon de thé pour baba cool. C'est là, en chaussettes, que Bertrand Cesvet a reçu La Presse Affaires.

Sid Lee a été fondée en 1992 par Philippe Meunier et Jean-François Bouchard, deux copains de Bertrand Cesvet, qui est arrivé dans l'entreprise en 1997. La PME compte aujourd'hui 16 associés, dont MM. Meunier, Bouchard et Cesvet forment le noyau dur. En 2001, l'entreprise était au bord de la faillite. Elle a été sauvée in extremis par la Caisse de dépôt.

 

L'entreprise

Sid Lee ne se présente pas comme une firme de publicité et de marketing, mais bien comme une agence de «créativité commerciale» qui touche autant à la pub imprimée qu'à l'architecture. Cette PME montréalaise de 300 employés compte notamment le Cirque du Soleil, Adidas et Kraft parmi ses clients. Elle possède des bureaux à Montréal et à Amsterdam. Elle est sur le point d'en ouvrir un troisième à Paris.

Défis

Continuer à décrocher des comptes auprès d'entreprises de niveau mondial, comme elle vient de le faire avec Adidas, tout en essayant de conserver la même culture d'entreprise.

Stratégie

Mettre de l'avant son modèle d'affaires qui repose essentiellement sur la créativité, un peu comme le fait le Cirque du Soleil. Sa marotte : faire les choses différemment en misant, entre autres choses, sur le concept du « capital conversationnel « ou le bouche à oreille positif.