Il y a longtemps que tous les experts qui se penchent sur son cas le disent. L'industrie forestière québécoise devrait faire moins de «2X4» et plus de produits à plus haute valeur ajoutée pour assurer sa survie.

C'est le genre de choses plus vite dite que faite. Chantiers Chibougamau a pris le virage en 2002 et avance lentement mais sûrement dans cette direction. «On y a pris goût», dit Frédéric Verreault, porte-parole de l'entreprise.

 

Lucien Filion a fondé Chantiers Chibougamau en 1961 et il en est toujours le patron, à 81 ans. Son fils Michel est le vice-président de l'exploitation de l'entreprise privée, qui ne veut pas divulguer de chiffres la concernant.

C'est une commande spéciale d'un client pour fabriquer une poutrelle faite de lamelles de bois collées qui a été le déclencheur. Aujourd'hui, les produits de bois lamellés et collés destinés à la construction non résidentielle comptent pour presque 25% de la production totale de l'entreprise.

Ces nouveaux produits sont connus sous le nom générique de bois d'ingénierie. Chantiers Chibougamau en fabrique aussi pour la construction résidentielle et continue de vendre des 2X4 et des copeaux.

L'avantage des nouveaux produits, c'est qu'ils permettent d'utiliser des morceaux de bois trop petits pour d'autres usages. Pour l'environnement, c'est un plus et, pour Chantiers Chibougamau, c'est un avantage certain. Au nord du Québec, le bois se fait de plus en plus rare. En plus de la réduction des territoires de coupes qui découle du rapport Coulombe, la région a moins de bois à exploiter en raison de la Paix des braves, l'accord conclu entre le gouvernement du Québec et les autochtones, qui a retranché des territoires à l'industrie forestière.

«Les autres régions ont à composer avec une réduction de 20% de la possibilité forestière, mais ici, c'est plutôt 40% de moins», explique Frédéric Verreault.

Chantiers Chibougamau vit donc avec la crainte de ne pas avoir suffisamment de matière première pour assurer sa croissance. Jusqu'à maintenant, selon son porte-parole, il n'y a pas de problème parce que la demande de bois a chuté brutalement sur le marché américain et que l'usine ne fonctionne pas à pleine capacité.

En temps normal, le marché américain absorbe entre 70 et 80% de la production de Chantiers Chibougamau. Depuis que le marché immobilier s'est effondré et que le ralentissement s'est transformé en récession, cette proportion est tombée à 50%.

Pour réduire l'impact de cette conjoncture difficile, Chantiers Chibougamau a décidé de faire certifier son bois selon les normes environnementales les plus reconnues, celles du Forest Stewardship Council (FSC).

Ces normes attestent qu'une forêt est exploitée selon les meilleures pratiques pour assurer son renouvellement. L'obtention de la certification FSC est un processus long et coûteux mais qui peut être rentable à long terme pour Chantiers Chibougamau.

L'entreprise souhaite que la certification FSC lui ouvre davantage le marché de la construction verte. «Les promoteurs recherchent des matériaux qui peuvent leur donner des points supplémentaires pour construire des bâtiments durables et obtenir eux-mêmes la certification LEED», explique Frédéric Verreault.

Une certification LEED (pour Leadership in energy and environmental design) atteste qu'un immeuble a été construit en respectant les normes environnementales les plus exigeantes.

Le tiers des approvisionnements de Chantiers Chibougamau est certifié FSC. Son objectif est d'en avoir la moitié à court terme. Ça veut dire qu'une proportion équivalente de poutrelles et de bois d'ingénierie «verts» sont maintenant sur le marché.

Chantiers Chibougamau ne cherche pas seulement à compenser les effets de la crise économique. Elle vise à ce que le bois soit réhabilité dans la construction commerciale et industrielle, qui privilégie le béton et l'acier.

Jusqu'à maintenant, les clients qui ont misé sur le bois nouveau ne l'ont pas regretté. Le produit, comme c'est le cas au Barouf, un bar de la rue Saint-Denis à Montréal qui a été reconstruit après un incendie, est carrément spectaculaire. «Notre intention est de prouver que nous avons un produit performant et concurrentiel», dit le porte-parole.

 

L'entreprise

Chantiers Chibougamau est une entreprise familiale fondée en 1961 à Chibougamau. Elle a longtemps misé sur le marché du bois de construction traditionnel mais délaisse peu à peu les 2X4 pour fabriquer des produits à plus grande valeur ajoutée. Ses poutrelles en I et ses poutres de bois lamellé sont vendues sur le marché canadien et américain. Avec 700 employés, l'entreprise est le plus important employeur du nord du Québec.

Défis

Traverser la crise grave qui sévit actuellement dans l'industrie de la construction résidentielle aux États-Unis et limiter la réduction de la production de l'usine de Chibougamau. S'assurer un approvisionnement en bois à prix raisonnable.

Stratégie

L'obtention de la certification environnementale FSC (Forest Stewardship Council) pourrait lui ouvrir le marché de la construction verte, surtout dans le secteur non résidentiel, où les constructeurs sont de plus en plus nombreux à vouloir obtenir la certification LEED, qui consacre les bâtiments durables.