Politiques intéressantes pour les compagnies, investissements importants dans la recherche, création d'infrastructure pour stimuler le secteur : les différents gouvernements du Québec ont multiplié les efforts depuis des années pour créer une industrie pharmaceutique forte. Mais est-ce suffisant dans le contexte actuel ?

« Il faut faire plus, indique Michelle Savoie, directrice générale de Montréal In Vivo. Le rôle du gouvernement est extrêmement important puisqu'il agit comme catalyseur pour dynamiser le secteur.»

Pierre Gervais, président de Q&T Research et ex-président de l'Association québécoise de recherche clinique en rajoute. «Au Canada, on s'est assis sur nos succès passés et on a oublié de demeurer compétitif», dit-il.

À la Cité de la Biotech, à Laval, on est plus optimiste. «Chaque année, nos grandes entreprises pharmaceutiques se font solliciter pour délocaliser leurs activités, souligne Pierre Desroches, président du conseil d'administration. Leurs réponses sont toujours négatives et même, dans les dernières années, elles ont toutes investi dans leurs infrastructures.»

La raison, d'après lui ? «Avec nos institutions universitaires et collégiales sur le site, la main-d'oeuvre qualifiée et la présence de différentes entreprises du secteur des sciences de la vie et des biotechnologies, la Cité de la Biotech représente une force extraordinaire, dit-il. Il y a une complémentarité entre les différents acteurs du site et ils ne sont pas obligés de traverser la moitié d'un pays pour se rencontrer.»

La qualité de la recherche universitaire au Québec semble d'ailleurs faire l'unanimité dans le secteur. «C'est le nec plus ultra !», s'exclame Vincent Lamoureux, porte-parole Merck Frosst Canada.

«Si AstraZeneca a décidé de s'installer à Montréal en 1994, c'est clairement en raison de l'excellente recherche universitaire qui se fait dans le domaine de la douleur», affirme Philippe Walker, viceprésident, découverte, chez AstraZeneca R&D Montréal.

Agir sur plusieurs fronts

Tout en reconnaissant les investissements importants du gouvernement dans les deux ou trois dernières décennies dans le secteur de la pharmaceutique, Michelle Savoie remarque que Québec a, depuis quelques années, ralenti la cadence alors que d'autres ont pris les devants.

Elle est convaincue que la situation actuelle exige qu'on revoie le modèle de développement de nouveaux produits. « L'industrie doit être soutenue comme c'est le cas ailleurs, aux États-Unis notamment et encore plus près de nous, en Ontario, explique-t-elle. Il faut vraiment agir rapidement pour permettre au Québec de reprendre sa position de leader mondial dans le domaine de la pharmaceutique.»

Chez Pfizer Canada, on considère que Montréal est toujours un terreau fertile pour développer de nouveaux produits. «D'ailleurs, Montréal In Vivo fait un travail très important pour continuer à développer le secteur, remarque Paul Lévesque, président de la filiale canadienne. Mais ce n'est pas simple. Il y a maintenant beaucoup de concurrence.»

Pierre Gervais est particulièrement inquiet lorsqu'il regarde les investissements des grandes pharmaceutiques dans le domaine de la recherche clinique au Québec, dans le secteur public (hôpitaux et universités). «On est passé d'environ 55 millions en 2002 à environ 45 millions en 2007, calcule-t-il. Lors de la même période de temps, l'Ontario est passé d'environ 90 millions à environ 170 millions.»

De plus, Montréal In Vivo remarque que le rythme d'introduction de nouveaux produits a beaucoup diminué ces dernières années. «Les nouveaux produits sont plus complexes, mais aussi, les exigences des agences gouvernementales sont plus élevées, les études doivent être plus longues et de plus grande envergure «, ajoute Michelle Savoie.

Germain Morin, vice-président à l'exploitation chez Wyeth Canada, croit qu'il faut accélérer la vitesse d'approbation des nouveaux produits.

«Qu'on pense aux maladies cardiovasculaires, au sida ou à certains cancers, on constate à quel point l'arrivée de nouveaux médicaments a eu un impact important sur la vie des gens. C'est important de maintenir le rythme.»

L'organisme Montréal In Vivo considère que le gouvernement doit déployer des mesures multiples pour s'attaquer aux différentes phases de développement des produits et éviter l'effritement du secteur. «Le gouvernement doit évidemment adopter des mesures d'urgence pour sauver les entreprises de biotechnologies qui vivent une grave crise de financement actuellement, indique Mme Savoie. Mais ce n'est pas tout. Il faut agir sur plusieurs fronts.»