Certaines industries ont la couenne dure. Qu'il pleuve ou qu'il fasse beau sur les marchés boursiers, elles résistent à tout. Ou presque. La crise actuelle ébranle des certitudes, jusque dans les boutiques érotiques.

La croyance populaire veut que l'industrie du sexe soit à l'abri des crises économiques.

Quand l'économie va bien, les boutiques érotiques font des affaires d'or. Et quand les gens sont mis à pied, ils doivent se changer les idées.

 

«C'est une formule que les gens répètent sans vraiment y penser», explique Ian Denchasy, debout en train de finir un bol de café au lait au fond de sa boutique, entre un étal de sangles en cuir et des maillots imprimés léopard.

«Nos clients nous traitent de riches. Nous sourions poliment. La réalité n'est pas un sujet de discussion très agréable.»

M. Denchasy et sa femme, Alicia, sont propriétaires de la petite boutique érotique Freddy&Eddy, dans le quartier Venice, à Los Angeles. Quand ils ont ouvert leurs portes, il y a cinq ans, ils voulaient offrir un endroit relax où les couples pouvaient magasiner dans une ambiance plus sympathique que les «sex-shops» éclairés au néon.

«Nous ne voulions pas devenir riches. Nous sommes en affaires parce que nous aimons rencontrer les gens, les aider à choisir ce qu'ils veulent, etc. Nous offrons un café à tout le monde qui passe la porte.»

Les premières années ont été très bonnes, explique M. Denchasy, qui a quitté son poste d'enseignant au primaire pour se lancer en affaires.

«Nous avons reçu un prêt de 25 000$ à un taux d'intérêt très bas. La banque était à notre écoute. La clientèle était en expansion.»

De difficulté en difficulté

Les problèmes ont commencé au début de 2008. Une voisine qui avait une boutique de surf a fermé ses portes, faute de clients. Elle vend désormais des t-shirts à la plage le dimanche. Puis, au coin de la rue, une boutique de savons artisanaux a fait faillite.

Chez les Denchasy, la caisse enregistreuse a cessé de sonner en septembre. Depuis, le commerce vivote. La plupart des ventes se font par le site web, qui garde l'entreprise à flot.

Aujourd'hui, M. Denchasy a du mal à payer son loyer. Sa femme et lui ont abandonné leur assurance santé, qui coûtait 600$ par mois. Ils ont licencié leurs deux employés et se sont mis à travailler six jours sur sept. Ils n'ont pas pris de vacances depuis cinq ans.

Le couple ne va plus au cinéma. Trop cher. «On trouve notre divertissement dans les ventes-débarras. Il y a des livres et des DVD pour 50 cents.»

Les boutiques érotiques sont particulièrement frappées par la crise. Pleasure Chest, à Hollywood, vient de mettre à pied des employés, dont certains avaient 20 ans d'ancienneté. Stockroom, sur Sunset Boulevard, vit des heures difficiles. Babeland, sur l'avenue Melrose, a fermé pour de bon. «Tout le secteur est touché.»

En quelques mois, les Denchasy ont accumulé 55 000$ de dettes avec leur carte de crédit. Le taux d'intérêt est passé de 13 à 17% même s'ils n'ont jamais raté un paiement. «J'ai appelé la compagnie pour protester, dit M. Denchasy. Ils n'ont rien voulu entendre.»

Coup de fil à sa banque pour demander une augmentation de sa marge de crédit. Le banquier lui a ri au nez. «Il m'a dit: «On ne prête plus d'argent à qui que ce soit.» Comment les petites entreprises font-elles pour survivre dans ces conditions?»

Un goût amer

Le capitalisme à l'américaine, version 2009, lui laisse un goût amer. «Quand je vois les milliards que le gouvernement donne aux géants financiers qui ont saccagé l'économie, ça me met en colère. Nous, les petits entrepreneurs qui respectent les règles, qu'y a-t-il pour nous?»

Dans les prochains jours, M. Denchasy entend essayer de négocier une baisse de loyer. Il veut étoffer son site de vente en ligne. Il souhaite que la semaine qui vient amène plus de clients que la semaine qui s'achève.

Il garde espoir. «Si c'était à refaire, je referais la même chose. J'aime être entrepreneur. C'est mon choix.»

> 8,1%:

Le taux de chômage aux États-Unis.

> -39%:

La variation du prix médian des maisons vendues dans le sud de la Californie depuis un an.

> 250 000$:

Le prix médian actuel.

www.freddyandeddy.com