Munis de GPS, de télémètres à laser et d'un scanner 3D, des «spéléo-archéologues» plongent dans les aqueducs de Rome pour mettre à jour le plan de ces monuments d'une importance cruciale dans l'Antiquité.

Onze aqueducs ceinturent Rome, sur des centaines de kilomètres. Un seul fonctionne encore: géré par la compagnie publique locale Acea, il continue à apporter l'eau - l'Acqua Virgo - jusqu'à la célèbre Fontaine de Trevi, après 20 km de parcours jusqu'au centre de la capitale.

C'est un archéologue britannique, Thomas Ashby, directeur de l'École britannique de Rome de 1906 à 1925, qui a élaboré le premier plan des aqueducs de Rome.

«Il était en avance sur son temps», explique à l'AFP Alfonso Diaz Boj, membre de l'association «Sotterranei di Roma» (Souterrains de Rome), qui travaille sur ce projet en liaison avec la Surintendance archéologique de Rome.

«Il a parcouru la campagne romaine, il est allé dans les villages, dans les trattorias, il a parlé aux fermiers, aux chasseurs. Ce n'était pas un simple relevé topographique. Il a pu établir ce plan grâce à sa connaissance de la culture locale», selon une «méthode que nous utilisons toujours aujourd'hui», ajoute M. Diaz Boj.

La signature de Thomas Ashby est d'ailleurs encore visible sur l'un des murs d'une section de l'aqueduc de l'Acqua Marcia, qui passe par le village de Vicovaro, près de Tivoli, aux côtés de graffitis et de poèmes, dont certains datent du XVIIe siècle, laissés par les innombrables promeneurs aux cours des siècles.

Mais ce plan, si nouveau soit-il pour l'époque, est désormais un peu dépassé et l'association, qui est en train de gagner une réputation internationale - elle a notamment participé à l'étude des ruines d'Ephèse (Turquie) - a décidé de l'actualiser en passant par les puits invisibles en surface.

Descendant dans les entrailles d'une section préservée de l'ancien aqueduc de l'Acqua Claudia, débuté en 38 après JC sur l'ordre de l'empereur Claude, situés sur les terres d'un couvent franciscain à Vicovaro, M. Diaz Boj, coiffé d'un casque-torche et vêtu d'une combinaison bleue, souligne combien il est «fier» de participer à ces recherches.

«Notre travail mélange ce que fut l'archéologie en tant que science à ses débuts, avec les capacités des instruments scientifiques les plus récents», se réjouit-il.

Pour lui, ces monuments de pierre ne «sont peut-être pas aussi beaux qu'une statue - même si je pense le contraire. En tous les cas, ils sont aussi importants».

Selon les chercheurs, la capacité combinée des aqueducs atteignait à l'époque de l'empire romain plus d'un million de mètres cubes d'eau par jour (soit théoriquement plus de mille litres par habitants). Des édifices vitaux que les Wisigoths détruisirent lorsqu'ils mirent la ville à sac en 410.

Leur accès est difficile. L'un d'eux, celui de l'Acqua Virgo, est ainsi caché par un escalier en colimaçon datant de la Renaissance et situé à proximité de la villa Médicis.

«Rome est devenue ce qu'elle est grâce à trois facteurs essentiels: les routes, l'eau et les égouts», estime un autre spéléo-archéologue, Riccardo Paolucci, en étudiant un viaduc situé dans un coin perdu d'une vallée d'où sont partis pendant des siècles des mètres et des mètres cubes d'eau pour Rome.

Pour M. Paolucci, «l'eau était primordiale pour l'hygiène. Dans une ville comme Rome, où vivait un million d'habitants, il y a finalement eu très peu d'épidémies».

Tout ça grâce à ce système d'aqueducs et parce que le concept de «service public» était quelque chose de très ancré dans la société romaine, note-t-il avant d'ajouter avec un sourire... «contrairement à aujourd'hui».