Les araignées et scorpions modernes ont hérité leur bouche des bras surdéveloppés de leurs grands-parents préhistoriques, qui nageaient d'ailleurs aux côtés des ancêtres des crustacés voici plus de 500 millions d'années, indique une étude publiée mercredi.

C'est la découverte en Chine d'un fossile de petit arthropode jusqu'alors inconnu et l'analyse de son système nerveux, remarquablement préservé, qui a permis aux chercheurs d'en arriver à cette conclusion surprenante.

Long de seulement 3 cm et vieux de 520 millions d'années, le fossile exhumé en Chine appartient à la classe des mégacheira («grandes pinces» en grec ancien), des arthropodes marins depuis longtemps disparus.

Ces animaux possédaient un long corps segmenté doté d'une douzaine de pattes qui leur permettaient de ramper et/ou de nager. Tous les membres de cette famille avaient en outre une paire de longs appendices terminés par des pinces, fixés directement sur la tête.

Malgré cette ressemblance anatomique avec l'appareil buccal des araignées, la filiation entre les deux groupes restait contestée, de même que la place de ces arthropodes préhistoriques dans l'arbre de l'évolution des espèces.

Grâce à l'étude en trois dimensions du système nerveux du fossile, les scientifiques ont apporté la preuve que les mégacheira sont bien les ancêtres des araignées, scorpions et limules (animal marin aussi appelé «crabe fer à cheval») modernes.

Lorsque les appendices - antennes, mâchoires ou pattes - des différentes espèces ne se ressemblent pas, le meilleur moyen d'étudier leur filiation est d'examiner le système nerveux pour voir sur quel segment du cerveau ils sont connectés. Cela permet ensuite de dire comment ils ont pu diverger d'un ancêtre commun, résume dans un communiqué le Muséum d'Histoire naturelle de Londres, qui a participé à ces recherches.

«C'est la première fois que la neuro-anatomie est utilisée sur des fossiles pour déterminer la parenté entre ces animaux», souligne le paléontologue britannique Greg Edgecombe. «Nous savons quel segment du cerveau était relié par des nerfs à l'appendice géant. C'est le deuxième, le même que pour les crocs des araignées, +la chélicère+», indique-t-il.

La «chélicère» est très différente dans sa structure et ses connexions au cerveau des mandibules qui équipent les insectes (les fourmis par exemple), les mille-pattes et les crustacés.

«Maintenant nous savons que les mégacheira avaient un système nerveux central très semblable à celui des limules et des scorpions actuels», ajoute Nicholas Strausfeld, neurobiologiste à l'Université d'Arizona à Tucson, auteur principal de cette étude publiée dans la revue Nature.

«L'organe qui sert aux araignées et à leurs cousins à mordre a évolué à partir des appendices» géants des arthropodes préhistoriques à grandes pinces, assure le chercheur.

«Les ancêtres des araignées côtoyaient donc déjà ceux des crustacés durant le Cambrien», preuve qu'ils avaient déjà à l'époque divergé d'un ancêtre commun bien plus ancien pour suivre des trajectoires évolutives distinctes, résume M. Strausfeld.