Le nombre de Québécois qui ont un médecin de famille augmente de façon moindre que prévu. Les médecins de famille accusent un « retard » dans l'inscription de patients, a indiqué le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, jeudi.

« Une tendance semble aller dans la mauvaise direction » et si elle n'est pas renversée, les médecins de famille risquent d'être sanctionnés. « Il y a un potentiel de danger », a prévenu M. Barrette en conférence de presse.

Il y a un an, le ministre Barrette et la Fédération des médecins omnipraticiens concluaient une entente selon laquelle ces derniers se sont engagés à inscrire 85 % de la population d'ici le 31 décembre 2017. Si cette cible n'est pas atteinte, la loi 20 sera mise en application. Les médecins de famille qui ne respecteraient pas l'entente verraient alors leur rémunération être amputée jusqu'à 30 %.

Quelque 213 000 Québécois de plus ont un médecin de famille depuis un an, ce qui porte le total à 5,67 millions, selon les données du Ministère. Le taux d'inscription atteint maintenant 71,8 %, comparativement à 69,4 % à pareille date l'an dernier. Or, la cible prévue dans l'entente est de 74 % pour juin 2016.

« Un patient inscrit de plus par jour éloigne la loi 20 pour toujours »

« Il y a actuellement un retard, léger, mais rattrapable » dans l'inscription de patients, a reconnu M. Barrette.

Selon lui, les trois quarts des médecins ne respectent pas pour le moment les paramètres de l'entente.

Le ministre a envoyé un avertissement clair à ces médecins. Il a brandi en conférence de presse une « prescription » grand format. Pour remédier à « l'accès limité aux médecins de famille », il prescrit l'inscription « d'un à deux patients pour chaque jour ouvrable d'ici le 31 décembre 2017 ». Il s'est inspiré d'une formule connue pour illustrer son propos : « un patient inscrit de plus par jour éloigne la loi 20 pour toujours ».

Gaétan Barrette a fait valoir que les médecins de famille peuvent corriger la situation dans la mesure où 478 644 patients se sont inscrits au guichet d'accès, créé en avril dernier.

Pour atteindre la cible de 85 %, il reste un peu plus d'un million de Québécois à inscrire, selon le ministre.

Il entend faire une mise à jour des statistiques dans trois mois. Il a signalé que la FMOQ a le pouvoir d'imposer des sanctions financières à ses membres récalcitrants dès cet automne s'il n'y a pas d'accélération dans l'inscription de patients.

Gaétan Barrette croit néanmoins qu'un « changement s'opère ». Le taux d'assiduité des médecins est maintenant de 78 % - contre 77 %, il y a un an. La cible est de 80 % pour décembre 2017. Ce taux correspond à la part des visites médicales faites par les patients auprès de leur médecin de famille. Il vise à vérifier l'accessibilité des omnipraticiens auprès des patients qu'ils ont inscrits.

Près de la cible de départ

De toute évidence, Québec avait surestimé ce problème lors des négociations avec la FMOQ l'an dernier. Il prévoyait que le taux d'assiduité ne s'élèverait qu'à 68% en juin 2015, au début de l'entrée en vigueur de l'entente. Or, après vérifications, il atteignait dans les faits 77%, révèlent les données du ministère. Les médecins de famille étaient donc tout près de la cible fixée par Québec dès le départ.

La sortie du ministre Barrette a piqué au vif le président de la FMOQ, Louis Godin. «Je trouve ça très malheureux. Pourquoi il décide de faire cette sortie aujourd'hui ? Est-ce parce qu'il s'est fait parler un peu fort à propos des CHSLD que là il veut ramener les caméras sur les médecins de famille ?» a-t-il lancé en entrevue.

Il réfute les allégations du ministre. «Je n'ai pas de retard. Est-ce que je suis à toutes mes cibles ? Non. Mais pour moi, ce n'est pas significatif. On est sur la bonne voie. Pour ce qui est de l'assiduité, je suis en avant de la cible. Pour ce qui est de l'inscription, je suis tout près de la cible. Dire que les médecins de famille ne sont pas au rendez-vous, je ne vois pas l'opportunité qu'il avait de faire ça», a-t-il affirmé.

Il accuse le ministre de tarder à respecter ses propres engagements en vertu de l'entente. Plusieurs médecins n'ont toujours pas le support promis, en particulier pour le secrétariat, selon lui. Les délais pour obtenir une consultation auprès d'un médecin spécialiste ne sont pas plus courts, a-t-il ajouté. Les patients retournent donc voir leur médecin de famille, qui a moins de temps pour en prendre de nouveaux. «Je sais que ça se discute et je ne mets pas en doute la bonne foi des médecins spécialistes là-dedans, mais concrètement, sur le terrain, je n'ai rien de différent.»

Il n'entend pas sanctionner les membres comme l'a suggéré M. Barrette. Certes, en signant l'entente, il prévoyait des «ajustements en cours de route pour inciter les médecins à prendre plus de patients», mais il n'est pas question de recourir à la «coercition». «Je ne sanctionnerai pas mes médecins, ce n'est pas vrai ! Ce n'est pas une façon de faire fonctionner un système de santé, c'est la façon de Gaétan Barrette.»

Pour la députée péquiste et porte-parole en matière de santé, Diane Lamarre, les statistiques dévoilées jeudi démontrent que les réformes du ministre Barrette «sont un échec». «Ses objectifs sont loin d'être atteints», a-t-elle soutenu. «Depuis juin 2015, soit depuis un an, à peine 2,4 % des Québécois ont été nouvellement inscrits à un médecin de famille. Il faudra donc une augmentation de 14 % en un an et demi pour atteindre la cible de 85 % des Québécois inscrits avant décembre 2017. Comment le ministre peut-il penser qu'il rencontrera ses objectifs?»