Le gouvernement Couillard écarte l'idée d'imposer une taxe sur la malbouffe. Mais il envisage d'établir des règles pour empêcher la présence de restaurants-minute à proximité des écoles.

La ministre des Services sociaux, Lucie Charlebois, a réagi au rapport 2015-2016 du Commissaire du développement durable, déposé mercredi à l'Assemblée nationale. Ce rapport suggère entre autres à Québec d'envisager de taxer la malbouffe pour inciter la population à adopter de meilleures habitudes alimentaires.

«Si vous me demandez si on est dans l'ère de la taxation, je pense qu'on réfléchit plutôt à d'autres solutions que de taxer davantage les Québécois en ce moment comme gouvernement. (...) Pour l'instant, ce n'est pas dans mes réflexions», a-t-elle dit.

Au cours des derniers mois, des sources au gouvernement avaient évoqué à La Presse l'idée d'une surtaxe touchant les eaux gazeuses sucrées. Le ministre de la Santé et de Services sociaux, Gaétan Barrette, avait entrouvert la porte à cette idée en novembre dernier. Le projet de taxer la malbouffe traîne depuis des années au ministère des Finances.

Lucie Charlebois s'est toutefois dite ouverte à adopter des règles de zonage pour limiter la présence des restaurants-minute autour des écoles. «Ça fait partie de mes réflexions», a-t-elle dit. Elle prépare une nouvelle politique de prévention en santé qui misera entre autres sur la saine alimentation.

Dans son rapport 2015-2016, déposé à l'Assemblée nationale mercredi, le commissaire au développement durable Jean Cinq-Mars consacre un chapitre complet à la «promotion de la saine alimentation comme mesure de prévention en santé».

Il conclut que le ministère de la Santé et des Services sociaux «n'a pas assumé le leadership qui s'impose pour la promotion de la saine alimentation». Il n'a mis en place ni un cadre de gestion efficace, ni des orientations claires, ni des cibles précises. «Il n'est donc pas en mesure de déterminer si les interventions réalisées au Québec permettent l'adoption de meilleures habitudes alimentaires».

Il ajoute que le «Ministère, en collaboration avec les autres entités gouvernementales concernées, n'a pas statué sur la pertinence et la faisabilité de mettre en place certaines mesures incitatives pour favoriser l'adhésion de la population aux comportements alimentaires sains. La taxation de la malbouffe est un exemple de mesures possibles». La littérature est abondante au sujet de cette mesure, selon lui.

«La promotion d'une saine alimentation ne peut faire abstraction du fait que la malbouffe est souvent plus abordable que les aliments santé, affirme-t-il. Le prix des fruits et des légumes frais, du poisson et des produits laitiers est beaucoup plus élevé que celui des aliments malsains, des croustilles et des boissons gazeuses», écrit le commissaire.

«Plusieurs organismes et regroupements» comme l'Organisation mondiale de la santé, l'ONU et la Fédération des médecins spécialistes du Québec «ont vanté les avantages de cette taxation : influencer la consommation d'aliments sains et tirer des revenus supplémentaires afin de financer d'autres mesures favorisant la saine alimentation».

«Certaines administrations publiques utilisent des mesures pour inciter leur population à diminuer la consommation de malbouffe, ajoute-t-il. Par exemple, la France, la Finlande et la Hongrie ont instauré des taxes sur les boissons sucrées ou les aliments très gras et salés.»

Le commissaire fait valoir qu'à la lumière de «différentes études», «d'autres mesures doivent être mises en place simultanément pour que la taxation de la malbouffe soit efficace». Il mentionne des campagnes de sensibilisation de la population et des «subventions visant à favoriser une alimentation plus saine».

Ailleurs dans le monde, des subventions agricoles ont été créées pour réduire le prix du lait, des fruits et des légumes ou des programmes de crédit d'impôt, indique-t-il.

Le commissaire constate également que «les problèmes liés à l'accès à la saine alimentation ont été cernés, mais aucun plan d'action précis n'a été établi par le MSSS pour améliorer la situation. Parmi les problèmes relevés, notons la présence de restaurants-minute à proximité des écoles et la malbouffe à l'intérieur des infrastructures municipales, sportives et communautaires».

La présence de restaurants-minute à proximité des écoles «réduit l'efficacité des mesures mises en place pour répondre à l'objectif énoncé dans la politique-cadre Pour un virage santé à l'école » du ministère de l'Éducation, politique visant entre autres à sortir la malbouffe des cafétérias. «La malbouffe autour des écoles contribue à la consommation par les jeunes d'aliments à faible valeur nutritive. Bien que les municipalités puissent appliquer des règlements de zonage afin de limiter la présence de certains types de commerces autour des écoles, très peu sont intervenues en ce sens. Cela n'est certainement pas étranger au fait que le gouvernement ne s'est pas encore doté d'orientations précises pour faire en sorte que les municipalités établissent un meilleur environnement alimentaire», soutient le commissaire.

«Pour ce qui est de la malbouffe à l'intérieur des infrastructures municipales, sportives et communautaires, ajoute-t-il, certaines initiatives sont mises en place à l'échelle locale et régionale, mais elles ont une portée restreinte. Par exemple, une cinquantaine de municipalités du Québec ont adopté une résolution pour interdire la vente de boissons énergisantes dans les édifices municipaux. Il n'existe toutefois pas de mesure structurante à l'échelle provinciale pour que les municipalités apportent les changements nécessaires à l'égard de ce type de boissons ou d'autres aliments.»

Par ailleurs, Québec «n'a pas statué la pertinence et la faisabilité d'intervenir pour améliorer l'information nutritionnelle relative aux aliments vendus, afin d'aider les citoyens à faire des choix alimentaires sains», déplore-t-il. La présence de multiples logos ou «allégations santé» crée de la confusion et complexifie les choix. Il y a également très peu de repères nutritionnels dans les restaurants, les dépanneurs et les machines distributrices. 

Le commissaire souligne que, selon l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), «le fardeau économique annuel de l'obésité et de l'embonpoint était de 1,5 milliard de dollars pour le Québec en 2011». Cette somme représentait 5,2 % des dépenses de santé et de services sociaux pour cette même année.