Nouveau chef du Parti libéral du Québec, Philippe Couillard est opposé au projet de loi 14 qui vise à renouveler la Charte de la langue française. Mais à la différence de la position adoptée jusqu'ici par ses députés, il est prêt à examiner les amendements que pourrait soumettre le gouvernement.

Lors de son premier point de presse, au lendemain de sa très nette victoire, hier, M. Couillard a promis que ses deux anciens adversaires Raymond Bachand et Pierre Moreau «auront un rôle très important à jouer au Parti libéral du Québec et autour de moi».

La première ministre du Québec, Pauline Marois, et le chef de la Coalition Avenir Québec (CAQ). François Legault, lui ont passé dimanche un coup de fil pour le féliciter.D'Ottawa, Justin Trudeau et Bob Rae, du Parti libéral du Canada, ont fait de même.

Comme l'indiquait La Presse, ce matin, Jean Marc Fournier restera chef de l'Opposition à l'Assemblée nationale pour l'instant. Aussi, il discutera de la distribution des responsabilités parlementaires avec le caucus, demain, pour annoncer des décisions durant le congé pascal.

Interrogé sur la refonte de la Charte de la langue française, il a durement critiqué le projet de loi 14, mais contrairement au critique libéral dans ce dossier, le député Marc Tanguay, le nouveau chef n'a pas fermé la porte aux discussions. Dès le dépôt du projet de loi, M. Tanguay avait soutenu que son parti allait voter contre quoiqu'il advienne, tant les principes du projet de loi lui paraissaient inacceptables.

Sur la question linguistique, il a nuancé le refus inconditionnel de l'opposition. «C'est un sujet très important, un choix fondamental. On s'entend tous pour dire que la loi 101 a protégé de façon efficace la langue française. On est à une croisée de chemin, on a le choix entre ajouter des mesures coercitives ou des mesures de valorisation et d'incitation», a soutenu M. Couillard.

Au lancement de sa campagne, M. Couillard avait paru très favorable à la décision de franciser les entreprises de 25 à 49 employés, «tant qu'on n'ajoutait pas du fardeau aux entreprises, parce que la façon dont on se dirige est que pour des PME déjà surchargées on ajoute des inspections et des paperasses».

La philosophie du PLQ sur cet enjeu est clairement la voie d'incitation, de l'accompagnement, «pour favoriser l'adhésion». Les mesures coercitives ne sont pas utilisées fréquemment ailleurs dans le monde, a-t-il relevé.

La loi 14 «n'est pas acceptable ni nécessaire, on ferait beaucoup plus de gains avec des mesures d'accompagnement plutôt que d'ajouter de la coercition». Mais, a-t-il ajouté: «si des amendements sont présentés, nous sommes une formation parlementaire responsable, nous allons les regarder et les étudier».

Aussi, pour lui, le retrait envisagé du statut de ville bilingue pour les municipalités qui comptent moins de 50% d'anglophones est «un irritant inutile». «Je ne pense pas que cette mesure aidera à protéger le français», a-t-il dit.

Il dit «ne pas considérer comme prioritaire d'entrer à l'Assemblée nationale», pour les prochains mois. Il verra par la suite s'il doit sauter dans une élection complémentaire, ou attendre un scrutin général.

Un salaire

D'ici à son arrivée à l'Assemblée nationale, il promet de participer au caucus des députés une fois semaine. Il compte aussi discuter rapidement avec l'exécutif du PLQ sur le salaire qui devrait lui être versé. «Je n'ai pas de revenu depuis octobre, j'aimerais être indépendant de fortune, mais ce n'est pas le cas» a-t-il dit. Il reste prudent quand on lui rappelle que Jean Martin Aussant, le chef d'Option nationale a fixé son salaire versé par le parti à 87 000$, le salaire d'un député, la situation du PLQ lui permettra sans doute d'obtenir davantage.

Son premier geste sera de lancer une tournée du Québec qui préparera une série de congrès régionaux. Pour lui, les militants libéraux doivent retrouver leur capacité d'influencer les orientations du parti. Il faut décentraliser les décisions, croit-il, une clé pour retrouver la mobilisation au PLQ. «ll faut améliorer le contact direct avec les membres, les membres un peut partout m'ont dit qu'ils voudraient se sentir beaucoup plus impliqués dans la préparation du programme électoral». «Toute organisation avec le temps a tendance à se centraliser, à perdre le contact avec sa base. Après neuf ans de pouvoir, une certaine usure s'installe», observe-t-il.

À maintes reprises pendant son point de presse, M. Couillard s'est fait rappeler ses liens avec le Dr Arthur Porter. Son passage sur le comité de surveillance du Service canadien de sécurité, que présidait Porter, n'a rien à voir avec la présence de son «ami». Le comité a produit des rapports utiles, qui sont publics sur internet, a-t-il insisté. Aussi, pas question «d'avoir la lâcheté de renier ses amitiés» avec le patron du CUSM, mais le contrat à SNC-Lavalin, qui est sous la loupe de la police a été attribué après son retrait de la politique, «et je n'ai pu avoir quelque influence que ce soit», a-t-il dit.

Hier, M. Couillard a soutenu que le PLQ devrait être irréprochable désormais sur le plan de l'éthique. Un code d'éthique «complet» sera préparé par le parti. Même si cela n'excuse rien, a-t-il insisté, le PLQ n'est pas le seul parti qui s'est retrouvé sur la sellette à la Commission Charbonneau. Le resserrement des règles en 2010 a amené une diminution évidente de ces pratiques condamnables, la diminution des contributions ajoutera. «S'il y a des choses à reconnaître, on les reconnaîtra», a-t-il dit.

Constitution

Au PQ qui le presse de dresser une liste de demandes à adresser au gouvernement Harper, M. Couillard rappelle que c'est l'habituelle stratégie du PQ de «faire une liste de demandes pour en faire une liste d'échecs successifs, le plus rapidement possible».

Sur la question constitutionnelle, il a répété qu'il souhaite, pour 2017, au 150e anniversaire de la Confédération, que le Québec puisse redéfinir son caractère distinct et adhérer à la constitution de 1982. L'entente de Meech reste un «repère historique très important» dans cette réflexion. Il prend vite ses distances quand on lui demande si un éventuel accord devrait être entériné par un référendum national -l'accord de Charlottetown en 1992 constitue un précédent. Il est beaucoup trop tôt pour penser à ces mécanismes. «Ce qu'on doit d'abord faire comme Québécois est de se rassembler autour de la définition de notre caractère distinct ou spécifique. J'observe qu'il y a une partie de la population francophone qui ne se sent pas incluse quand le Parti québécois parle de nation, il faut remédier à ça». La croissance économique «et la création d'emploi» sont des priorités plus urgentes que la question constitutionnelle, insiste-t-il.