Le gouvernement Charest risque fort d'imposer un bâillon pour adopter son projet de loi 14 sur les mines avant la fin des travaux parlementaires, le 9 décembre.

Le ministre délégué aux Mines, Serge Simard, dénonce le «blocus intégral» du PQ. Et il plaide l'urgence. «L'objectif que j'ai comme ministre, c'est (...) de m'assurer que la population va avoir un encadrement minier d'ici aux Fêtes», dit-il.

M. Simard a déposé des amendements cette semaine pour répondre à certaines critiques des municipalités et des environnementalistes.

Les MRC pourront bloquer les projets miniers dans les secteurs résidentiels, récréo-touristiques ou de villégiature. Dans la première mouture du projet de loi, seules les zones urbaines ou de villégiature étaient ainsi protégées.   

Les minières ne pourront plus exproprier les citoyens pour faire de l'exploration. Le gouvernement devra aussi approuver le déplacement d'une maison familiale. Il oblige également les minières à payer les frais d'avocat des propriétaires d'un immeuble résidentiel qui doivent vendre leur terrain. On veut éviter que ne se reproduise des incidents comme à Malartic, où le dernier propriétaire du village avait été exproprié par Osisko au terme d'une bataille judiciaire.

Enfin, chaque projet minier sera étudié par le BAPE. On prévoyait n'étudier que les projets qui exploiteraient plus de 3000 tonnes de minerai par jour.

La vieille loi sur les mines date du 19e siècle. Après 200 heures en commission parlementaire, il reste une vingtaine d'articles à étudier au projet de loi 14. Le PQ veut se pencher sur chacun d'eux. Sa porte-parole en matière de Mines, Martine Ouellet, exige trois changements pour donner son appui: que les minières transforment la ressource au Québec et dévoilent les détails sur leurs activités. Et surtout, qu'on change le régime des redevances pour qu'il s'applique sur le revenu brut.

«On ne peut pas accepter un projet de loi qui maintient le Québec dans un développement colonialiste», lance-t-elle. Elle rappelle que grâce aux différentes déductions, 10 minières sur 19 n'ont pas payé un seul sous en redevances l'année dernière.

Le gouvernement Charest refuse d'inclure les redevances dans ce projet de loi. Cette question relève du ministère des Finances, plaide-t-on.

Industrie en colère

L'Union des municipalités du Québec et la Fédération québécoise des municipalités saluent la nouvelle mouture du projet de loi. Mais l'industrie est furieuse. En donnant aux municipalités un droit de veto sur certains projets, le gouvernement crée un «potentiel de conflit permanent» entre les différents acteurs, soutient l'Association de l'exploration minière du Québec (AEMQ).

«C'est la consternation, c'est une décision aberrante, a déclaré le président de l'AEMQ, Jean-Marc Lulin, dans un entretien à La Presse Affaires. Les conséquences ne sont pas mesurées.» Même si les nouvelles mesures ne toucheront que 1% à 2% du territoire québécois, «cela mènera fatalement à une réduction de l'activité minière globale», avance M. Lulin.

La Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) en appelle directement au premier ministre Jean Charest pour lui demander de reporter l'adoption du projet de loi au-delà de la présente session. «Voilà un très mauvais moment pour mettre des embûches inutiles au secteur minier québécois au moment où le Plan Nord s'appuie largement sur cette industrie pour prendre son élan, écrit la présidente de la Fédération, Françoise Bertrand, dans une lettre envoyée hier à Jean Charest. Voilà deux gestes contradictoires du gouvernement qui enverront beaucoup de confusion auprès des investisseurs internationaux.»

«On a voulu corriger certains éléments avec des massues, ajoute Françoise Bertrand en entrevue. On va rater des occasions de développement économique qui ont une retombée sur l'ensemble de la population.»

Quant à elle, la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine voit dans les derniers amendements apportés des «pas dans la bonne direction». Son porte-parole, Ugo Lapointe, dit « saluer le travail » du PQ en commission parlementaire. Il s'oppose au bâillon. Selon lui, il y a encore des améliorations à apporter, quitte à attendre après les Fêtes, notamment étendre la garantie de soutien juridique aux locataires de même qu'aux propriétaires qui vivent à proximité des projets miniers.