Avec la crise de la production porcine en fond de scène, la Financière agricole se retrouvera sur la sellette, la semaine prochaine, pour expliquer son empressement à se faire rembourser une dette de 687 millions auprès d'agriculteurs-assurés pris à la gorge.

La commission de l'Agriculture à l'Assemblée nationale entendra la direction de l'organisme, le 9 juin, après quelques hésitations mises de côté par les élus de tous les partis qui font face aux pressions des cultivateurs, en particulier des producteurs de porc.

L'un d'eux, Claude Corbeil, de Saint-Hyacinthe, a annoncé la semaine dernière qu'il «vidait la porcherie» - les porcs partis pour l'abattoir ne seront pas remplacés.

M. Corbeil est forcé d'abandonner cette production - près de 5000 bêtes par année depuis 50 ans - pour se concentrer sur les grandes cultures. Triste coïncidence, il est le cousin du ministre de l'Agriculture, Pierre Corbeil: «Mon cousin sait que je vide, mais il a bien des dossiers dont il doit s'occuper!», a-t-il noté.

La semaine dernière, le ministre a même annoncé des mesures «d'aide psychologique» pour les producteurs en détresse. Il disait craindre «un effet boule de neige» qui entraînerait plusieurs producteurs à jeter l'éponge dans un climat de découragement généralisé. «On veut que les gens prennent des décisions réfléchies.»

Avec Jacques Brind'amour, patron de la Financière, M. Corbeil a annoncé que Québec devancerait 35 millions de paiements d'assurance aux producteurs de porcs d'ici la fin du mois de juillet.

Le grain trop cher

Cette «avance» doit être mise en perspective. Une ferme familiale va recevoir environ 15 000$ pour 5000 bêtes, résume Lorraine Cormier, de Pike River, près du lac Champlain. «Je viens de recevoir une livraison de maïs: 32 tonnes à 310$, c'est pas loin de 10 000$, on fait une semaine avec ça...», résume l'agronome, à la tête d'une entreprise qui produit 5000 porcs par année.

«Certains décident de cesser de produire, pour d'autres c'est la banque qui décide à leur place.», ajoute M. Corbeil.

Depuis des semaines, les producteurs de porcs de toutes les régions lancent le même cri: la hausse du coût du maïs-grain - l'essentiel de l'alimentation du cheptel -, conjuguée à la réduction des exportations due en partie à la force de la devise canadienne, accule depuis des mois l'industrie au pied du mur.

«Le prix de la viande par rapport au grain ne balance plus. Le maïs est à plus de 300$ la tonne - il était à 175$ il y a un an. Le prix de la viande ne parvient pas à couvrir ces frais. Le taux de change était à 80 cents, là on est à 1,05$: cela a un impact direct», observe M. Corbeil, ancien président de la Fédération des producteurs de porcs.

Ces problèmes surviennent en outre après plusieurs «mauvaises années» pour les producteurs. Normalement, sur cinq ans, il y en a deux plus profitables, mais les porcheries sont dans le rouge depuis cinq ans. L'industrie a fait face à un virus mystérieux, le circovirus, qui provoquait le ralentissement de la croissance et même des morts. La grippe H1N1 s'est appelée «grippe porcine» dans un premier temps, une étiquette qui a eu un impact néfaste sur les ventes.

Pour des producteurs, la commission parlementaire sera une occasion de presser Québec à forcer la Financière agricole à étaler comme prévu un remboursement de 687 millions de trop versés en primes d'assurances. Laurent Lessard et l'UPA s'étaient entendus il y a deux ans pour étaler sur 15 ans ces remboursements afin de débloquer les sentiers de motoneige.

Mais cet arrangement n'a pas tenu la route. En un an, la Financière est allée chercher 206 millions de remboursements.

M. Brind'amour, assure qu'il n'a pas de marge de manoeuvre. «Un remboursement en 15 ans signifie de 175 à 200 millions d'intérêts. Je ne voudrais pas que les générations futures de la relève agricole en 2020 disent: comment se fait-il qu'ils n'aient pas pris les moyens en 2010 pour régler plus vite?», avait expliqué M. Brind'amour à La Terre de chez nous

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