Un proche du PLQ, Pietro Perrino, se défend d'avoir «détourné» des fonds publics qu'il administre au Saguenay-Lac-Saint-Jean vers des entreprises de Montréal dont il est actionnaire.

«Quand on dit qu'on fait des détournements de fonds, je n'en reviens pas», a-t-il affirmé à La Presse. «On respecte rigoureusement les règles du programme.» M. Perrino est l'un des administrateurs du Fonds d'intervention économique régional Boréal (FIER-Boréal), qui doit soutenir les entreprises du Saguenay-Lac-Saint-Jean oeuvrant dans les hautes technologies.

Ce fonds de capital de risque - financé au deux tiers par Québec - a investi 6 millions de dollars dans huit entreprises, dont une seule se trouve au Saguenay-Lac-Saint-Jean (Taimi R&D, qui a reçu 750 000$), a révélé le PQ hier. Les autres sont de la grande région de Montréal.

Pietro Perrino est actionnaire de quatre entreprises qui ont obtenu l'aide du FIER-Boréal: Toptent (un million de dollars d'aide), Zoommed (300 000 $), Ranaz (630 000 $) et Systèmes BUS (375 000 $). C'est également le cas de Valier Boivin, aussi administrateur de FIER-Boréal et proche du PLQ. «Quand on lève de l'argent dans le public et que je dis que je pense que c'est une bonne entreprise et qu'il faut la soutenir, si moi je ne me convaincs pas que c'est un bon projet, que je ne mets pas d'argent dedans, comment je peux convaincre les gens d'investir dedans?» a lancé M. Perrino.

«Quand on met de l'argent dans ces sociétés-là, quand les FIER investissent, nous, on cherche à être membre du conseil d'administration, on veut suivre ces investissements-là. On ne peut pas nous reprocher d'être administrateur de ces sociétés quand on met de l'argent. Il faut qu'on suive ça, ces investissements-là!»

Au sein de FIER-Boréal, un comité est formé pour faire les choix d'investissement. Il compte une vingtaine de membres, des investisseurs dans FIER-Boréal. «Je me retire quand le comité prend une décision concernant une société dans laquelle je suis actionnaire et administrateur», a dit M. Perrino.

«Des fois, je suis devenu actionnaire après que le FIER eut investi, ou des fois de façon concomitante», a-t-il ajouté. «Dans ZoomMed, j'ai environ 700 000 actions, c'est moins de 1% de l'ensemble des actions. Dans les autres entreprises, ce sont des fractions de 1%.» M. Perrino est président du conseil de ZoomMed, qui développe un prescripteur électronique. FIER-Boréal a investi 300 000 dollars dans ZoomMed. «On n'était pas là quand la décision a été prise», a dit M. Perrino.

FIER Ville-Marie, aussi administré par MM Perrino et Boivin, a également investi dans ZoomMed (un million), Toptent et Ranaz.

Sur les six millions d'investissements de FIER-Boréal, «trois millions ont été placés à l'extérieur de la région et trois millions dans des entreprises qui ont des activités ou des bureaux au Saguenay-Lac-Saint-Jean», a expliqué M. Perrino. Toptent, qui fabrique des chapiteaux, «a son siège social à Laval, mais la structure en aluminium est faite par une entreprise d'Alma; les trailers, à Rimouski. Si on n'avait pas injecté de l'argent là-dedans, ça n'existerait pas ces entreprises-là».

Un FIER - il y en a 44 au Québec - peut faire 50% de ses investissements à l'extérieur de la région qu'il dessert. «Quand on dit qu'on ne respecte pas ça, c'est faux», a lancé M. Perrino.

Investissement Québec-FIER est chargé de superviser le travail des fonds régionaux. Comme l'a souligné le député péquiste François Legault, son conseil d'administration est composée entre autres des anciens députés libéraux Liza Frulla - devenue commentatrice politique à RDI - et Jean-Sébastien Lamoureux - chef de cabinet de Monique Jérôme-Forget de 2003 à 2006.

Liza Frulla

Liza Frulla dit n'avoir rien à se reprocher. Elle siège au comité depuis le 13 mars 2008, à la demande du PDG d'Investissement Québec, Jacques Daoust. Elle a assisté à trois réunions. «Dans ces trois réunions, le sujet dont on parle n'est jamais venu. Je ne me défile pas. Mais l'initiative des FIER existe depuis 2004 et les 44 FIER, quand je suis arrivée, fonctionnaient bien», a-t-elle expliqué sur les ondes de RDI.

Quand les investissements ont été faits dans les entreprises dont MM Perrino et Boivin sont actionnaires, «je n'étais pas» au conseil d'IQ-FIER, a-t-elle ajouté.

Le conseil est chargé de vieller au respect de la politique d'investissements, qui prévoit que les investissements doivent être faits à 50% dans la région visée. «Si les questions ne sont pas toutes répondues à notre satisfaction, nous allons agir», a dit Mme Frulla. Lors de la dernière réunion à laquelle elle a assisté, le conseil a demandé aux FIER de lui fournir la liste de leurs investissements.

«Compte tenu que j'ai été nommée le 13 mars 2008 et que j'ai assisté à trois réunions, je fais appel à François Legault et à son sens de l'éthique, a dit Mme Frulla. L'éthique, c'est ne pas défaire une réputation délibérément ou par partisannerie. Je lui demande de se rétracter sur mon sujet. Je peux comprendre qu'il n'avait pas toute l'information hier. Mais aujourd'hui, il l'a. C'est un peu injuste ce qui se passe actuellement.»

MM Perrino et Boivin doivent tenir une conférence de presse aujourd'hui. Jacques Daoust, à qui le ministre Raymond Bachand a demandé d'enquêter, en fera une lui aussi, à Québec.

Mise en demeure 

Par ailleurs, Pietro Perrino et Valier Boivin ont décidé de mettre en demeure le député péquiste Francois Legault relativement à ses déclarations de conflit d'intérêt dans le projet FIER-Boréal.

Selon M. Legault, les deux hommes, proches du PLQ, ont transgressé les règles régissant ces Fonds d'investissement régionaux pour favoriser des entreprises dont ils sont actionnaires.

M. Perrino et Boivin exigent des «excuses sincères et complètes» de M. Legault.

Avec André Duchesne