Le Québec, si volage en politique, restera-t-il sous le charme du Nouveau Parti démocratique (NPD), un an après le déferlement de la vague orange? La réponse dépendra de la capacité du parti à capter l'attention des Québécois, mais aussi de facteurs échappant complètement à son contrôle.

Le 2 mai dernier, les Québécois ont voté par centaines de milliers pour le «bon Jack», offrant pas moins de 59 des 75 sièges du Québec aux troupes néo-démocrates, décimant du même coup le Bloc québécois.

Quelques mois plus tard, des sondages montrent un NPD en perte de vitesse et parfois même côte-à-côte avec le Bloc, pourtant boudé drastiquement un peu plus tôt. Essoufflement passager du NPD ou simple retour à la normale? Une chose est claire: pour garder leur place dans le coeur des Québécois, les députés néo-démocrates devront trimer dur.

«Je pense qu'on réalise, parmi les 59 députés, qu'on est à peu près tous là grâce à Jack Layton. C'est indéniable, M. Layton exerçait un magnétisme auprès de l'électorat au Québec», concède le président du caucus néo-démocrate québécois, Guy Caron.

Le député s'empresse d'ajouter qu'ils étaient bien conscients, aux lendemains des élections, que la balle était désormais dans leur camp. «On savait également que ce serait notre propre travail après de nous maintenir sur place et de faire en sorte que le NPD puisse former le gouvernement en 2015», assure-t-il.

Le décès de Jack Layton au mois d'août, avant la reprise des travaux pour la session d'automne, a créé une onde de choc au sein du caucus. Non seulement les recrues ont-elles dû se passer de l'homme qui a permis au NPD de percer enfin au Québec, mais le parti a dû faire sans la présence de députés expérimentés qui se sont lancés dans une course au leadership.

«On a (des) députés d'expérience qui sont en ce moment en course au leadership, en plus des deux autres qui ne sont pas députés, ce qui fait en sorte que leur absence nous prive de gens d'expérience», rappelle Alexandre Boulerice, une recrue qui a pris du galon en l'absence de ténors du parti.

«J'ai hâte au 25 mars (après l'élection du nouveau chef), parce que Tom Mulcair, Paul Dewar et Peggy Nash vont revenir en Chambre», lance le député de Rosemont-la-Petite-Patrie.

L'inexpérience de la chef intérimaire Nycole Turmel a représenté une autre épine au pied des néo-démocrates. C'est Jack Layton lui-même qui a demandé à l'ancienne syndicaliste de prendre le relais temporairement en attendant qu'un nouveau chef soit élu par les membres. Elle aussi a remporté un siège aux Communes pour la toute première fois le 2 mai dernier. À la période de questions, elle affronte quotidiennement un homme politique chevronné, le premier ministre Stephen Harper, dans des échanges parfois inégaux.

«Je peux le dire honnêtement: ce n'est pas facile, et je le reconnais», a admis Mme Turmel à la sortie de son dernier caucus de 2011. Elle a soutenu malgré tout qu'elle ne ferait rien différemment si la session parlementaire qui s'est achevée était à refaire.

Mais Catherine Côté, professeure à l'Université de Sherbrooke, n'est pas de cet avis.

«Sur certains points, le NPD n'a pas su défendre les intérêts du Québec comme l'avait fait le Bloc, donc il y a un peu un désenchantement de ce côté-là», avance-t-elle.

«Sur la langue française, sur les nominations, ils étaient toujours un coup en retard. On voyait qu'ils n'étaient pas du tout habitués à avoir un présence forte au Parlement.»

L'opposition officielle s'est notamment fait reprocher de ne pas avoir dénoncé rapidement la nomination de l'unilingue anglophone Michael Ferguson au poste de vérificateur général et d'avoir permis qu'un juge ne comprenant pas le français siège à la Cour suprême du Canada.

Le politologue Michel Sarra-Bournet abonde dans le même sens. Il souligne que le gouvernement libéral du Québec a dû sauter dans l'arène fédérale pour défendre certaines de ses positions, en justice criminelle et sur le registre des armes à feu notamment, ce qu'il n'avait plus l'habitude de faire.

Dans ces deux dossiers, le NPD et Québec ont travaillé dans le même sens. Mais il faudra faire plus, croit M. Sarra-Bournet.

«Si le NPD veut demeurer fort au Québec, il faut qu'il défende de temps à autres les intérêts du Québec, même lorsque ces intérêts-là vont à l'encontre de l'intérêt du reste du Canada. Ça ne s'est pas fait actuellement et ils sont dans une position délicate à cause de cela notamment», croit-il.

Il n'y a pas de «recette magique» à son avis. Comme le NPD est un parti pancanadien, à l'inverse du Bloc, il peut être tiraillé entre le désir de plaire à toutes les régions du Canada, alors que les intérêts de chacun s'opposent parfois.

Pour le professeur de l'Université d'Ottawa, André Lecours, même si le NPD livrait une performance exceptionnelle dans l'avenir, il serait plus qu'étonnant qu'il remporte autant de succès auprès des Québécois aux prochaines élections qu'il en a eu le 2 mai.

«C'est un sommet, je pense que se maintenir là va être impossible», estime-t-il.

La popularité du NPD dépendra en partie de la capacité du Parti libéral du Canada, mais surtout du Bloc québécois, à remobiliser sa base. Si les bloquistes parviennent à regagner le coeur d'un noyau dur de souverainistes, le NPD pourrait avoir du mal à rivaliser avec le message des bloquistes.

«Ça va être très très difficile à contrer pour le NPD si le Bloc a des visées moins grande mais plus centrées», fait-il valoir.

Le Bloc québécois, qui vient de faire élire Daniel Paillée comme successeur à Gilles Duceppe, ne compte actuellement que quatre députés aux Communes, ce qui lui laisse un énorme potentiel de croissance.