C'était une question toute simple posée à des enfants de moins de 10 ans par une directrice d'école. «Ferez-vous des études universitaires?» La réponse, elle, l'était moins.

«Non, parce que je suis rom», ont griffonné sur un morceau de papier coloré des dizaines d'écoliers de l'école publique junior et senior de Parkdale. Ce jour-là. Susan Yun s'est dit qu'elle avait du pain sur la planche.

Des quelque 650 enfants qui fréquentent l'école qu'elle dirige, 95 appartiennent à la minorité rom de Hongrie. Ils sont loin d'être les seuls enfants issus d'une immigration récente. En fait, dans ce quartier de l'est de Toronto, les nouveaux arrivants sont la règle plutôt que l'exception. Les enfants roms, convient cependant la directrice, représentent un «défi particulier».

La plupart d'entre eux ont passé peu de temps à l'école avant d'arriver au Canada. «Les enfants sont victimes de discrimination dans le système scolaire hongrois. Les enseignants n'ont aucune attente à leur égard parce qu'ils sont roms», note Hajnalka Klein, une agente d'intégration, elle-même rom, qui donne un coup de main au personnel enseignant.

Peu habitués à de longues heures de cours, les enfants, au tout début, étaient particulièrement turbulents. Parlant hongrois, ils passaient tout leur temps avec leurs compatriotes. «Ils ne connaissaient pas les mêmes normes sociales», note Susan Yun. Ayant de la difficulté à se faire comprendre, certains enfants réglaient leurs différends en crachant au visage de leur interlocuteur.

La situation n'était pas plus facile avec les parents. Certains ne comprenaient pas au début que l'école était obligatoire tous les jours. D'autres ne faisaient pas confiance aux éducateurs et se massaient en groupe devant la classe de leurs ouailles 15 minutes avant la récréation. «À la première sortie de classe, l'autobus était rempli à moitié de parents roms qui se demandaient où nous amenions leurs enfants», sourit aujourd'hui Susan Yun.

L'estime de soi

L'ajout d'une agente d'intégration et de ressources pour aider familles et enfants à s'adapter à leur nouvelle vie change tranquillement la donne. S'ils ont des questions, les parents roms peuvent s'adresser à quelqu'un qui parle leur langue et comprend leur culture. «Les familles de demandeurs d'asile roms qui sont arrivées au Canada ne voient pas encore la lumière au bout du tunnel. Notre travail, c'est de leur redonner de l'espoir», dit Mme Yun en nous montrant un des locaux de maternelle, décoré de dessins multicolores. Il est difficile d'y différencier les enfants roms des autres. Certains sont blonds aux yeux bleus alors que d'autres ont la peau basanée.

Demandeur d'asile rom, venue de la République tchèque, Maria*, 19 ans, croit que les difficultés d'intégration des enfants sont comparables à celles des adultes. «En Europe, on nous a mis dans la tête que nous étions des moins que rien. En arrivant ici, beaucoup de Roms pensent qu'ils doivent faire le même travail qu'avant. Laver des planchers et des choses du genre. Retrouver notre estime de nous va prendre du temps», dit la jeune femme au long cou de cygne dans un anglais chantant.

Si elle reçoit le statut de réfugié, elle compte faire ses études universitaires en éducation. Pour les enfants de l'école publique de Parkdale. Et les autres.