Les ministres du gouvernement Marois ont fait mine mardi de ne pas se laisser distraire par la sortie de l'ancien premier ministre Jacques Parizeau en faveur de la gratuité scolaire.

L'ex-chef péquiste apporte tout simplement un point de vue qui n'est pas partagé par le gouvernement, a dit le ministre des Relations internationales, Jean-François Lisée, en point de presse à l'entrée d'une réunion du caucus des députés à l'Assemblée nationale.

« C'est un grand débat public et un ancien premier ministre est entré dans le débat. M. (Bernard) Landry, lui, est pour l'indexation. Voilà, on appelle un débat et on a un débat », a-t-il déclaré, banalisant la portée des propos de son ancien patron.

La position exprimée par M. Parizeau pour l'abolition des droits de scolarité est en rupture avec celle du gouvernement péquiste qui penche plutôt vers un mécanisme d'indexation des droits de scolarité plus ou moins ajusté au coût de la vie.

Néanmoins, comme le souhaite l'ancien premier ministre, la gratuité scolaire fera l'objet de discussions lors du Sommet sur l'enseignement supérieur les 25 et 26 février à Montréal, a rappelé M. Lisée.

« Voilà quelqu'un qui a énormément d'expérience, de connaissances et qui apporte son point de vue. Ce n'est pas celui du gouvernement en ce moment, mais le gouvernement a dit que la gratuité sera aussi en débat », a-t-il dit.

Dans un entretien avec le quotidien « Le Devoir », M. Parizeau soutient que la gratuité scolaire au Québec est une option financièrement réaliste qui doit être analysée au Sommet.

En outre, M. Parizeau s'explique mal que le gouvernement Marois n'ait pas manifesté d'ouverture spontanée au discours des étudiants sur cet enjeu.

Pour atteindre la gratuité, M. Parizeau suggère d'exiger une plus grande contribution des entreprises et de réintroduire la taxe sur le capital pour les banques, ce qui procurerait quelques centaines de millions de dollars, d'après lui.

Pour l'ancien chef péquiste, l'atteinte coûte que coûte de l'équilibre budgétaire pose un problème. À son avis, le débat sur le financement des études supérieures ne pourra se faire tant que le gouvernement gardera le cap sur la nécessité absolue de boucler chaque année financière sans déficit.

Mais le ministre des Finances, Nicolas Marceau, a fait comprendre que quelle que soit l'issue des discussions au Sommet, il n'avait pas l'intention d'augmenter la charge fiscale des banques ou de dévier de sa trajectoire vers le déficit zéro.

« On a déjà demandé un effort dans le budget aux institutions financières, a souligné M. Marceau. On a déposé un budget avec l'équilibre budgétaire en 2013-2014 et moi, je suis satisfait de l'état des revenus. »

M. Parizeau est un intellectuel de renom mais son plaidoyer en faveur de la gratuité scolaire n'engage en rien le gouvernement, a de son côté fait valoir le ministre des Affaires municipales, Sylvain Gaudreault.

« La contribution de M. Parizeau est celle d'un intellectuel, d'un libre-penseur, il a le droit de le faire et le gouvernement prend les décisions qui sont les siennes », a-t-il dit.

Selon le ministre Gaudreault, il ne faut surtout pas voir dans les propos de M. Parizeau un quelconque désaveu de la position du gouvernement dirigé par Pauline Marois.

« À chaque fois que M. Parizeau cligne des yeux, si on y voit un désaveu, on ne s'en sortira pas », a-t-il dit en haussant les épaules.

L'abolition des droits de scolarité est un « vieux » débat et « c'est bien qu'il continue de se faire », s'est pour sa part limité à dire le ministre de l'Enseignement supérieur, Pierre Duchesne.

La question du financement de l'enseignement supérieur a accaparé une bonne partie de la période des questions à la reprise des travaux en Chambre.

À deux semaines du Sommet sur l'enseignement supérieur, la première ministre Pauline Marois a avoué qu'elle était lasse de voir le débat se limiter aux seuls droits de scolarité.

« Je suis un peu fatiguée, je dois vous dire, d'entendre tout le débat se concentrer sur les frais de scolarité. Ce sommet touchera la qualité de l'enseignement supérieur, l'accessibilité et la participation aux études supérieures, la gouvernance et le financement des universités », a-t-elle lancé.

Le chef intérimaire de l'opposition libérale, Jean-Marc Fournier, n'a pas manqué d'enfoncer le clou. Il a accusé le Parti québécois d'avoir « fait un pacte avec les casseroles » en pelletant dans la cours des universités sa dette électorale envers les militants étudiants.

Son collègue et porte-parole de l'opposition en matière de finances, Raymond Bachand, a renchéri.

« Pour honorer leur dette envers les carrés rouges, ils transfèrent une coupure de 250 millions $ dans la cour des universités, une décision irresponsable quand on connaît le sous-financement et leurs déficits cumulés », a-t-il évoqué, faisant allusion aux déficits cumulés qui dépassent les 2 milliards $ dans le réseau des universités.

Ces déficits vont d'ailleurs prendre de l'ampleur puisque le gouvernement a décidé de permettre aux universités d'étaler les coupes sur une période de cinq ans.

« Le ministre fait-il cela pour forcer les universités à faire de vrais déficits pour que, lui, comme ministre des Finances, puisse s'offrir un faux déficit zéro? », a soulevé M. Bachand.