De la moisissure sur les murs, un toit qui coule, des problèmes de chauffage, une garderie sans fenêtre: l'école primaire de la réserve de Manawan est dans un état alarmant. Dangereux, affirme même le grand chef de la communauté.

Mais loin de recevoir des fonds supplémentaires pour pallier la situation, la réserve devra se passer de 430 000 $ de son enveloppe destinée à ses écoles primaire et secondaire cette année.

C'est que le gouvernement fédéral accorde son financement en fonction du nombre d'élèves qui fréquentent en réalité les établissements scolaires. Vérifications faites, il y a 300 enfants de moins qui assistent à leurs cours que ce qui était inscrit dans les livres du gouvernement. D'où le réajustement du financement.

L'amputation du budget survient à un bien mauvais moment pour cette réserve atikamekw isolée de Lanaudière, accessible uniquement par une route de terre de 85 kilomètres.

Le décrochage scolaire frôle 50 % chez les 14 à 19 ans. Les taux de réussite sont microscopiques - seulement neuf élèves ont obtenu leur diplôme secondaire l'an dernier pour une institution de 250 jeunes.

Le chef de la réserve Paul-Émile Ottawa et le directeur des services éducatifs de la communauté Daniel Niquay ont donc pris la route d'Ottawa jeudi afin de lancer un cri du coeur au gouvernement fédéral.

En conférence de presse aux côtés de deux députés du Nouveau Parti démocratique (NPD), ils ont notamment demandé aux conservateurs de leur redonner les 430 000 $ auxquels ils avaient droit autrefois et de revoir leur formule de financement des écoles.

«Comment nos jeunes peuvent-ils apprendre et comment nos professeurs peuvent-ils enseigner convenablement dans un tel environnement?», s'est demandé M. Niquay, évoquant le manque d'espace.

Selon le chef de la réserve, les écoles de sa communauté sont particulièrement mal en point si on les compare à d'autres. Il réclame plus d'équité.

«C'est une aberration de constater que le gouvernement fédéral vient sabrer dans les budgets qui sont dévolus à l'éducation, alors qu'ils accusent déjà un manque à gagner important par rapport aux autres communautés», a soutenu Paul-Émile Ottawa.

M. Niquay se désole particulièrement du fait que l'école secondaire n'offre pas de formation professionnelle, alors que la possibilité d'obtenir un DEP pourrait motiver les jeunes à rester un peu plus sur les bancs d'école.

«N'ayant pas cette opportunité, et ne se voyant pas au cégep et encore moins à l'université, ils n'ont d'autre choix que d'abandonner.»

Au ministère des Affaires autochtones et Développement du Nord, on a rappelé la règle de calcul pour le financement des écoles.

«Une vérification des listes d'élèves déclarés (listes nominatives) au ministère a été menée dans la communauté de Manawan en novembre 2011. Le rapport qui présente les résultats de l'exercice démontre qu'un large pourcentage des élèves déclarés ne fréquentait pas les écoles de bande», a écrit par courriel la porte-parole Michelle Perron.

Le financement a donc été réajusté en fonction de la fréquentation réelle.

«Ceci a eu pour effet de diminuer le financement octroyé à la communauté de Manawan pour les programmes sous la responsabilité du Conseil en éducation des Premières Nations», a-t-elle poursuivi.

La députée néo-démocrate de Joliette Francine Raynault demande malgré tout que les sommes retranchées soient accordées à nouveau aux citoyens de Manawan.

«On ne peut pas leur reprocher de décrocher, de ne pas aller à l'école, de ne pas s'instruire, de ne pas travailler (si) on ne leur en donne pas les moyens», a-t-elle fait valoir.