En invitant les enseignants à franchir les piquets de grève, la ministre de l'Éducation risque d'envenimer la situation, mettent en garde les fédérations étudiantes. Selon la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), de telles directives pourraient mener à la répétition des événements qui se sont produits vendredi dernier au cégep du Vieux-Montréal.

«Quand la ministre invite les enseignants à franchir les piquets de grève, qu'elle invite les administrations de collèges à ne pas entériner les grèves des étudiants, je pense que c'est le genre de gestes qui peuvent envenimer la situation et qui peuvent mener à des reproductions de ce qu'on a vu au cégep du Vieux-Montréal, fait valoir le président de la FECQ, Léo Bureau-Blouin. Et je pense qu'en ce sens-là, la ministre joue un jeu dangereux. Au lieu de favoriser la concertation, elle vise la confrontation.»

La Presse révélait samedi que dans une lettre envoyée aux directeurs de cégeps, la sous-ministre de l'Éducation suggère aux enseignants de continuer à «offrir la formation», même si les étudiants entament un mouvement de grève contre la hausse des droits de scolarité. La lettre a fait bondir tant les syndicats représentant les enseignants que les fédérations étudiantes. La FECQ accuse la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, de jeter de l'huile sur le feu. La Fédération étudiante universitaire du Québec est choquée. «On cherche par tous les moyens à s'entendre avec les administrations, à créer des ententes dans le cas de votes de grève qui s'avéreraient positifs, note la présidente de la FEUQ, Martine Desjardins. On aime mieux prévenir qu'intervenir sur des situations qui pourraient dégénérer. On essaie d'éviter ça à tout prix. Mais, l'appel de la ministre pourrait en effet envenimer les choses.»

Le grabuge survenu dans la nuit de jeudi à vendredi dernier au cégep du Vieux-Montréal a fait jaser au congrès de la Coalition large de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE) qui s'est tenu samedi à l'université Laval. Rappelons que 37 étudiants ont été arrêtés pour méfaits, voies de fait et agressions armées alors qu'ils refusaient de quitter l'établissement après leur assemblée générale. «Il n'y a personne, ni à l'association ni dans le mouvement étudiant, qui voulait que ça se termine comme ça, a réagi Gabriel Nadeau-Dubois, le porte-parole de la CLASSE, dont est membre l'Association générale étudiante du cégep du Vieux-Montréal. Rien de tout ça ne serait arrivé si l'administration avait accepté de dialoguer avec l'association étudiante.»

Gabriel Nadeau-Dubois ajoute qu'il n'est pas dans l'intention de la CLASSE de resserrer le contrôle sur ses membres. «Chaque association décide de son entrée en grève, mais aussi des moyens d'action qu'ils utilisent, dit-il. On n'a ni le pouvoir ni le goût de venir prendre en tutelle les associations étudiantes pour leur dire de faire certaines choses et de ne pas en faire d'autres.»

La FECQ dit avoir contacté la Fédération des cégeps pour qu'une entente sur la reconnaissance de la grève étudiante soit conclue entre les associations d'étudiants et les cégeps. La Fédération abordera la question de la violence lors des manifestations avec ses membres lors d'un camp de formation qui se tient au Collège Montmorency de Laval ce week-end.

Dans un communiqué envoyé hier, la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université (FQPPU) dénonce «le climat de violence qui paraît s'installer dans le contexte des manifestations étudiantes contre la hausse des droits de scolarité». La FQPPU évoque la manifestation du 27 janvier dernier où des étudiants ont été pris à partie par des policiers devant les bureaux de la ministre Beauchamp à Montréal. L'intervention fait l'objet d'une enquête interne du Service de police de la Ville de Montréal. Réunis en Conseil fédéral la semaine dernière, les membres de la FQPPU ont adopté à l'unanimité une résolution demandant au ministre de la Sécurité publique de faire respecter les droits civils en exigeant des corps policiers qu'ils renoncent à l'usage excessif de la force lors de ces manifestations.

Des milliers d'étudiants doivent se prononcer la semaine prochaine sur un mandat de grève. La CLASSE tiendra une manifestation jeudi prochain au centre-ville de Montréal. La FECQ, dont aucune association membre ne s'est encore prononcée pour la grève, mise pour sa part sur une grande manifestation qui aura lieu le 22 mars prochain et à laquelle participera également la FEUQ.

Une pétition, parrainée par le député de Nicolet-Yamaska et chef d'Option nationale, Jean-Martin Aussant, a également été déposée à l'Assemblée nationale. La pétition, qui est en ligne depuis hier sur le site de l'Assemblée nationale, demande au gouvernement du Québec de revenir sur sa décision d'augmenter les frais de scolarité de 1625 de dollars entre 2012 et 2017.