La porte-parole du Parti québécois en matière de justice, Véronique Hivon, demande au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) de s'expliquer publiquement au sujet de sa « nonchalance » et sa « négligence grave » dans le dossier des sols contaminés, à la suite de l'avortement du procès de deux entreprises cette semaine.

« Je m'interroge, je suis consternée. On voit une forme grave de négligence, une nonchalance qui s'est manifestée. Ce n'est pas tous les jours qu'on voit dans un jugement les termes qui ont été utilisés ici par le juge pour blâmer la conduite du DPCP », a déclaré la députée de Joliette, vendredi.

Pour Mme Hivon, la conduite du DPCP dans le dossier des sols contaminés depuis quelques mois soulève des questions plus larges sur les priorités de l'organisme.

« Ça m'emmène à me questionner sur l'importance accordée au sein du DPCP aux crimes environnementaux et aux infractions environnementales », a déclaré la députée de Joliette vendredi.

Blâmé par le juge

Depuis des années, la Sûreté du Québec et le ministère de l'Environnement enquêtaient sur un groupe d'entrepreneurs soupçonnés de prendre des sols contaminés sur les chantiers du Grand Montréal pour aller les jeter illégalement à la campagne.

Des dizaines de sites entachés ont été identifiés. À Sainte-Sophie, le rapport d'analyse d'une terre agricole où avaient eu lieu des déversements évoque des risques de mutations et malformations chez les animaux en raison de la pollution.

En juin, La Presse révélait que le DPCP refusait de porter des accusations criminelles contre les suspects, malgré la volonté des enquêteurs. Les procureurs affirmaient qu'ils auraient bien voulu accuser, mais s'estimaient incapable d'obtenir une condamnation dans un procès criminel. Des procédures avaient tout de même été entamées pour imposer une amende à deux entreprises en vertu d'un règlement environnemental.

Un procès s'est entamé au sujet des amendes cet été, mais tout s'est effondré cette semaine. Un juge a ordonné l'arrêt des procédures, en blâmant sévèrement le DPCP pour sa gestion « défaillante » et son incapacité à procéder dans un délai raisonnable.

L'organisme avait changé de procureur trois jours à peine avant le procès, n'avait pas préparé ses témoins adéquatement et n'avait pas rédigé de cahier de procès. Plus d'un an après le dépôt des constats d'infraction, il n'avait toujours pas transmis des éléments cruciaux de la preuve aux accusés.

Des infractions de moindre importance ?

« Est-ce qu'on voit ça comme des infractions de moindre importance ? Est-ce qu'on y accorde les ressources nécessaires ? Changer de procureur à trois jours d'avis, arriver mal préparé, à ce niveau-là, je me demande sincèrement si on prend ça au sérieux ? » s'interroge Véronique Hivon, en référence aux cas de délinquants environnementaux.

« C'est un message épouvantable à envoyer aux contrevenants, à l'heure où c'est si important de se battre pour l'environnement, déplore-t-elle. Ça leur envoie le message que ce n'est pas grave de contrevenir aux règles environnementales, parce que ton dossier va tomber en bas de la pile et tu vas t'en sortir ! »

La porte-parole péquiste espère que le DPCP s'expliquera sur la gestion de l'affaire. « Il y a un blâme du juge, moi je veux que le DPCP s'explique publiquement », dit-elle.

Mme Hivon souligne que la ministre de la Justice Sonia Lebel, tout en respectant l'indépendance du DPCP quant au choix de porter ou non des accusations, pourrait faire un rappel à l'ordre lorsqu'elle voit que la « négligence » provoque des délais qui font avorter les procès.