La décision de lancer une consultation sur la discrimination systémique et le racisme explique en partie pourquoi le Parti libéral a reçu « une belle claque sur la gueule » dans Louis-Hébert, selon deux élus libéraux de la région de Québec. D'autres députés considèrent que le gouvernement peine à faire passer son message auprès des électeurs. Des « réalignements » se profilent. Survol des réactions.

«Un certain malaise»



Pour le député libéral de Vanier, Patrick Huot, la défaite cinglante du Parti libéral du Québec (PLQ) aux mains de la Coalition avenir Québec (CAQ) est notamment attribuable aux circonstances entourant la démission de Sam Hamad et aux « erreurs de début de campagne », avec le retrait du candidat libéral Éric Tétrault en raison d'une affaire de harcèlement psychologique. Mais il y a plus, selon cet élu de Québec : le PLQ se fait critiquer au sujet de la consultation sur le racisme. « Les gens ont un certain malaise, comprennent peut-être mal où on s'en va », a-t-il soutenu. Selon lui, le PLQ « a eu une belle claque sur la gueule ». « Il faut prendre un pas de recul et revoir notre message. » Son collègue dans Portneuf, Michel Matte, soutient que la consultation est « effectivement » mal reçue par les électeurs de sa circonscription. « Je ne pense pas que ce soit une priorité pour les comtés francophones », a-t-il lâché, laissant entendre par la suite que le gouvernement devrait abandonner l'exercice.

Un enjeu sensible

De son côté, la ministre de l'Immigration, Kathleen Weil, considère qu'elle doit « redoubler d'efforts » pour expliquer la « nécessité de faire une consultation ». Dans certaines régions, comme Québec, « il y a une sensibilité » sur cette question, a-t-elle reconnu. Mais elle a insisté : « Ce n'est pas un tribunal, il n'y a pas de personne coupable, les Québécois ne sont pas racistes, il faut le répéter. » Son cabinet a confirmé à La Presse que 6 des 31 organismes mandatés pour tenir les consultations locales verront leur financement doubler afin de leur permettre de tenir des « événements publics de plus grande ampleur ». Ils toucheront 20 000 $ au lieu de 10 000 $ chacun. Pour la députée péquiste Carole Poirier, le gouvernement doit « mettre fin à ce cirque », une demande faite également par la CAQ.

Vers des «réalignements»

Le lieutenant de Philippe Couillard dans la région de Québec, François Blais, a reconnu que son gouvernement avait reçu un message « très fort » et « non équivoque » de la population. Il y voit la preuve que ses troupes devront mieux communiquer d'ici aux élections générales, prévues le 1er octobre 2018. « Peut-être que là, en ce moment, il y a une difficulté au niveau de notre message, a-t-il dit. La population cherche à nous comprendre, à nous suivre, ça va amener des clarifications et des réalignements de notre gouvernement. » Le résultat de lundi soir est « un coup de tonnerre », selon le ministre et leader parlementaire Jean-Marc Fournier. « Il me paraît un peu tôt pour avoir toutes les réponses, mais on ne va pas la banaliser [l'élection]. Si le coup de tonnerre est à ce point gros, il vaut la peine de l'analyser correctement », a-t-il affirmé. Selon le président du Conseil du trésor, Pierre Moreau, « la pire des choses à faire serait de se fermer les yeux ». Le gouvernement doit trouver une façon « d'expliquer aux Québécois de façon plus convaincante pour eux les bienfaits de la marge de manoeuvre que nous nous sommes redonnée ».

Les médias blâmés

Appelé à expliquer la défaite dans Louis-Hébert, André Drolet a plaidé que les bons coups du gouvernement ne sont pas suffisamment relayés par les médias. « Jamais on ne parle de ces choses d'importance-là », a dit le député de Jean-Lesage, à Québec. « Pour un député de terrain comme moi, il est évident qu'on a un message à écouter des citoyens. Et puis quelque part, vous [les journalistes] avez un rôle à jouer pour nous donner une chance de faire paraître les coups qu'on fait du bon côté. » Personne chez les libéraux n'a voulu commenter les rumeurs de remaniement ministériel. Philippe Couillard se trouvait à Ottawa hier pour une rencontre des premiers ministres provinciaux.

Un résultat qui «ouvre des portes», selon Legault

Avec un appui de 51 % contre 18,7 % pour le PLQ, la victoire décisive dans Louis-Hébert « ouvre des portes » à la Coalition avenir Québec, selon son chef François Legault. La formation politique peut désormais espérer faire des gains partout au Québec, estime-t-il. La CAQ n'a jamais fait élire un député dans l'île de Montréal, pas plus que dans les régions comme l'Abitibi, le Saguenay-Lac-Saint-Jean ou la Gaspésie. Sauf qu'une victoire éclatante comme celle de lundi soir - dans un bastion libéral de surcroît - « ouvre les yeux » de la population dans ces secteurs, selon M. Legault. « Si on regarde ça froidement et compare les résultats de 2014 avec les résultats d'hier soir, effectivement, on peut dire que si les choses restent comme elles sont actuellement, la CAQ pourrait gagner partout au Québec », a-t-il dit.

«On a beaucoup de travail à faire», dit Lisée

Le Parti québécois a encore « beaucoup de travail à faire » pour convaincre les électeurs de Louis-Hébert et de la région de Québec de le choisir comme solution de rechange au gouvernement libéral, admet le chef péquiste Jean-François Lisée. À la lecture des résultats de l'élection partielle dans cette circonscription de la capitale nationale, où son candidat a obtenu un « score » (16,3 %) encore plus faible que celui enregistré lors de la dernière élection générale, le chef du Parti québécois estime tout de même que le message envoyé par l'électorat est : « Faut que les libéraux s'en aillent. » Il reste à son parti à démontrer, dit M. Lisée, qu'il est le mieux placé pour représenter la solution de rechange.

- Avec Denis Lessard, La Presse