La confiance des citoyens de Terrebonne envers leurs élus ayant été durement ébranlée, Québec demande que la vérificatrice générale de la Ville valide leurs décisions d'ici les prochaines élections, mais renonce à imposer la tutelle.

La grogne se fait sentir à Terrebonne depuis que le maire Jean-Marc Robitaille a démissionné en novembre, dans la foulée d'une enquête de l'Unité permanente anticorruption (UPAC). Pour « rassurer les citoyens sur la probité de l'administration actuellement en poste », le ministère des Affaires municipales appelle en renfort la vérificatrice générale de la Ville, Claire Caron.

Plutôt qu'une mise sous tutelle en bonne et due forme, Québec demande que Mme Caron effectue « une vigie des opérations significatives de la Ville ». La vérificatrice générale aura ainsi pour tâche de vérifier toute décision ou transaction d'importance, comme l'attribution de contrats, les transactions immobilières et les changements de zonage. Elle devra rédiger un rapport à remettre à Terrebonne ainsi qu'au ministre Martin Coiteux, responsable des Affaires municipales.

Surpris de la demande de Québec, le maire par intérim Stéphane Berthe indique qu'il compte néanmoins s'y plier. Le point sera abordé lors de la prochaine séance du conseil municipal, le 8 mai.

« Il n'y a aucun problème. On fait preuve de transparence », dit Stéphane Berthe.

M. Berthe, qui vient d'annoncer sa candidature pour briguer la mairie de Terrebonne, en novembre, juge que cette solution est moins lourde que la tutelle qu'exigeaient certains citoyens. Une tutelle aurait imposé de nommer au moins deux tuteurs de la Commission municipale du Québec pour valider chacune des décisions prises par les élus. La responsabilité de signer les chèques d'une municipalité ainsi que de nommer ou de destituer les employés incombe aussi aux tuteurs.

SOLUTION INUSITÉE

« C'est un sérieux avertissement au conseil municipal », estime néanmoins Danielle Pilette, spécialiste en affaires municipales à l'Université du Québec à Montréal. Elle qualifie même cette surveillance de « mini-tutelle », puisque la vérificatrice générale aura pour mandat de surveiller des secteurs névralgiques des affaires courantes de la municipalité. Cette solution est inusitée, puisque son rôle est généralement de revenir sur les actions de la Ville et non d'agir en amont.

Danielle Pilette voit dans la décision de faire appel à la vérificatrice générale un signe que Québec ne voulait pas imposer une tutelle en cette année où l'autonomie municipale est au coeur des discussions. Ce sujet sera d'ailleurs au centre des Assises annuelles de l'Union des municipalités du Québec, qui se déroulent cette semaine à Montréal. Depuis 2005, seulement huit municipalités ont été placées sous tutelle, dont Laval en 2013.

SÉRIE DE PERQUISITIONS

Maire de Terrebonne depuis 1997, Jean-Marc Robitalle a démissionné le 8 novembre à la suite d'une série de perquisitions de l'UPAC à la Ville l'été dernier - aucune accusation n'a été déposée dans ce dossier jusqu'à présent. Son départ ayant eu lieu à moins d'un an des prochaines élections, prévues le 5 novembre, une élection partielle n'a pas été déclenchée pour pourvoir son poste. Le conseil municipal a plutôt désigné Stéphane Berthe pour siéger comme maire intérimaire. Ce changement n'a toutefois pas calmé la grogne à Terrebonne, des citoyens ont ainsi demandé à Québec la mise sous tutelle de leur ville. Avec 112 000 habitants, Terrebonne est au 10e rang des villes les plus populeuses du Québec.

Photo André Pichette, Archives La Presse

Jean-Marc Robitaille, ex-maire de Terrebonne