Les corps policiers doivent s'attendre à des changements et des remises en question de leur façon d'enquêter en matière de plaintes pour agressions sexuelles, et ce, en allant beaucoup plus loin qu'une simple révision du classement des dossiers, a affirmé hier le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux.

« On ne va pas s'arrêter juste avec une révision de comment des cas ont été classés. On va aller beaucoup plus loin que ça », a dit le ministre en conférence de presse, en réaction au reportage publié dans La Presse, hier, sur les agressions sexuelles jugées non fondées par la Sûreté du Québec et d'autres corps policiers.

Après avoir révisé les plaintes pour agressions sexuelles rejetées, la police provinciale a conclu qu'elles représentaient 12 % de l'ensemble des dossiers, alors qu'un reportage du Globe and Mail indiquait il y a deux mois que leur proportion était de 21 %. Cependant, la révision s'est limitée à vérifier si les dossiers avaient été classés dans la bonne catégorie, sans réexaminer si les enquêtes avaient été menées de façon adéquate.

D'autres corps policiers ont mené de telles révisions, comme le service de police de Granby, où le taux de plaintes jugées sans fondement atteint 30 %, l'un des plus élevés au Québec. Mais aucune enquête n'a été rouverte à la suite de ces vérifications administratives.

« Ce n'est pas la seule chose qui doit être faite », a indiqué M. Coiteux, au sujet de ces révisions. « Si ça se limitait à ça, je ne serais pas satisfait. Il faut aller plus loin, pas seulement avec la Sûreté du Québec, mais avec l'ensemble des corps policiers. »

M. Coiteux souhaite qu'un groupe de travail créé par le Barreau du Québec, auquel participent la SQ et le Service de police de la ville de Montréal avec d'autres intervenants du système judiciaire, se penche sur le « modèle de Philadelphie », qui mise sur une collaboration plus étroite avec des groupes d'aide aux victimes.

Il s'attend à ce que des changements soient recommandés par des responsables du ministère de la Sécurité publique, qui visiteront dans quelques mois tous les services de police du Québec dans le cadre d'un « mandat d'inspection thématique » portant sur les pratiques d'enquête en matière d'agression sexuelle.

PEU DE DÉNONCIATIONS

Impatients de voir des changements concrets, les groupes d'aide aux victimes d'agressions sexuelles sont insatisfaits des résultats de la révision menée par la SQ et certains corps policiers municipaux.

« Cette simple révision du classement de dossiers est-elle vraiment la solution que les services de police ont trouvée pour régler le problème du faible taux de dénonciation en matière d'agression à caractère sexuel ? », a demandé le Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS), dans un communiqué, rappelant que seulement 5 % des victimes portaient plainte.

L'organisme souligne que l'amélioration des pratiques policières « passe par la déconstruction des mythes et des préjugés autour des violences sexuelles. Un changement de culture augmenterait la confiance des survivants-es dans le système judiciaire ».