C'est parce qu'il ne savait pas où allait loger la France que Philippe Couillard a paru laisser la porte ouverte à la candidature de l'Arabie saoudite comme pays observateur, lors de la dernière rencontre de l'organisation des pays francophones, à Madagascar, à la fin du mois de novembre.

Un mois après ce XVIe Sommet de la Francophonie, les langues se délient. Philippe Couillard n'avait pas paru spontanément opposé à la candidature de Riyad lors du sommet. Il avait soutenu qu'il était «bon que ces pays s'intègrent aussi, [que] ce n'est pas nécessairement bien de les isoler».

Il avait rappelé que le Québec avait un enjeu particulier face à l'Arabie saoudite : «On va rappeler constamment notre préoccupation pour les droits humains, et spécifiquement ce qui est pour nous le visage de cette question, Raif Badawi», avait-il dit. La famille de Badawi, sa femme et ses trois enfants, vit à Sherbrooke.

Aujourd'hui, on explique les raisons de cette ambivalence, surprenante, devant un pays qui bafoue quotidiennement les libertés fondamentales. Avant le sommet, à la conférence des ministres responsable des affaires internationales, les membres en étaient arrivés à un «consensus» autour de la demande de l'Arabie saoudite d'être admise comme observateur. Sans la repousser, les pays membres avaient convenu que la candidature de Riyad était «incomplète»; on remettait ainsi la décision au sommet qui se tiendra en Arménie en 2018.

La position française déterminante

Arrive la réunion des chefs d'État. Le Maroc et le Sénégal prennent la parole pour souligner qu'à leur avis, la candidature de l'Arabie saoudite devrait être acceptée, sans délai. Un autre pays africain abonde dans le même sens. Or les informations qui filtrent autour de la position française, déterminante pour beaucoup de membres autour de la table, sont contradictoires. Le Québec et le Canada ne savent pas où logera finalement le président François Hollande.

Dans son intervention, à huis clos, Philippe Couillard aurait sans détour signalé que le Québec voulait s'en tenir au «consensus» atteint avec les ministres, rappelant l'emprisonnement et les sévices infligés au blogueur Raif Badawi. Prenant la parole tout de suite après, Justin Trudeau a abondé dans le même sens. Finalement, le président Hollande est intervenu à son tour, demandant aussi que l'Organisation remette à plus tard sa décision sur la candidature «incomplète» de l'Arabie saoudite.