Pour éviter la fronde de ses députés qui se préparait, Philippe Couillard a jeté l'éponge. Yan Plante, le transfuge caquiste accusé d'avoir subtilisé les documents stratégiques de son ancien employeur, a démissionné hier du cabinet du premier ministre.

C'était un virage à 180 degrés pour Philippe Couillard. La veille, le premier ministre, derrière les portes closes du caucus, avait défendu avec fermeté la nouvelle recrue, vanté sa capacité de travail et d'analyse, minimisé la gravité de sa décision de partir avec des documents stratégiques de l'adversaire caquiste.

Mais dans les rangs des députés libéraux, la grogne était palpable. Le gouvernement, déjà enferré dans les révélations successives entourant un proche du ministre Laurent Lessard, se payait le luxe d'une controverse stérile, déclenchée par un récent adversaire politique.

Intervenant pour plusieurs de ses collègues hier, l'ex-ministre Robert Poëti a sans hésiter réclamé la tête du collaborateur de M. Couillard. Le député de Marguerite-Bourgeoys a rappelé qu'on l'avait chargé de la rédaction du code d'éthique du PLQ quand il était arrivé en politique. Et le geste de Yan Plante « ne cadre pas avec ce code d'éthique », a-t-il laissé tomber selon des témoins, qui se sont confiés sous le couvert de l'anonymat. 

À la porte du caucus, M. Poëti s'est contenté de dire que cette affaire « préoccupe tous » les députés. Le député Poëti aura servi de catalyseur : plusieurs élus se préparaient à monter au créneau à ce sujet.

M. Couillard s'est contenté alors de dire qu'il allait aborder cette question à la fin de la réunion. Avant de quitter les lieux pour la période des questions, il a indiqué que Yan Plante avait « offert sa démission », une surprise pour les députés qui se souvenaient que le premier ministre l'avait défendu sans hésiter la veille.

De passage dans Arthabaska en après-midi, M. Couillard a souligné que M. Plante avait lui-même offert sa démission, constatant notamment l'embarras de ses collègues libéraux devant la controverse.

La saga autour de Yan Plante a été l'occasion d'un nouveau couac stratégique des communications du premier ministre. Mercredi, l'attaché de presse Charles Robert affirmait que M. Plante avait écrit une lettre le 9 septembre où il soutenait avoir détruit tous les documents de la CAQ. Or, la défense du gouvernement à ce moment était que le conseiller stratégique n'avait pas subtilisé de documents. « S'il les a détruits, c'est qu'il les avait », a observé un libéral, désabusé. Par la suite, M. Robert a refusé tout commentaire sur cette fameuse lettre, jamais publiée.

L'ombre de Denis Lebel

La grogne des élus envers les nouveaux arrivants au PLQ propulsés à des postes convoités a aussi tué dans l'oeuf l'intérêt du député conservateur Denis Lebel pour un passage sur la scène provinciale. M. Lebel avait laissé circuler son nom pour une éventuelle candidature libérale dans Arthabaska - circonscription laissée vacante par la mort de la caquiste Sylvie Roy -, ont confirmé des proches de l'ancien ministre de Stephen Harper. Il avait par ailleurs joué un rôle dans l'embauche de Yan Plante, son ancien chef de cabinet, par Philippe Couillard. C'est finalement Luc Dastous, candidat libéral défait en 2014, qui portera les couleurs du PLQ dans Arthabaska.

Quant à Yan Plante, avec trois enfants en bas âge, il retourne à Gatineau, où sa famille est restée même s'il travaillait depuis un an à la Coalition avenir Québec. Dans sa déclaration rendue publique tout de suite après le caucus libéral, il souligne qu'« au cours des derniers jours, de fausses allégations et des propos mensongers circulent à [s]on sujet de la part de [s]on ancien employeur, la CAQ ». 

« J'ai pris la décision de me retirer de mes fonctions afin de consacrer toutes mes énergies à défendre ma réputation et mon intégrité. Dans les meilleurs délais, je répondrai à la mise en demeure de la CAQ par l'entremise de mes avocats. », a déclaré Yan Plante.

« Prenant acte » de ce départ, la Coalition avenir Québec n'entendait pas lâcher le morceau. Simon Jolin-Barrette, député de Borduas, réclamait hier la tête du chef de cabinet de M. Couillard, Jean-Louis Dufresne. L'admission que M. Dufresne savait depuis au moins le 9 septembre que de tels documents avaient été soutirés des ordinateurs de la CAQ laisse planer le doute sur l'intégrité et le jugement de M. Couillard et de ses collaborateurs, estime le caquiste.

« L'entourage du premier ministre doit être intègre et, à ce moment-ci, on se pose de sérieuses questions, surtout sur le jugement du premier ministre parce que, toute la journée hier, il a défendu M. Plante, toute la journée, et là, manifestement, il a lâché M. Plante », a souligné M. Jolin-Barrette.

Mercredi, la CAQ avait fait parvenir à M. Plante ainsi qu'à Jean-Louis Dufresne une mise en demeure leur enjoignant de détruire les documents subtilisés et de produire des déclarations sous serment par lesquelles ils s'engageraient à ne pas utiliser leur contenu. Avant et même après son départ du cabinet de François Legault, dont il était le principal stratège, M. Plante avait transféré des dizaines de documents sensibles de la CAQ sur son compte Hotmail.