Les libéraux s'opposent aux volontés de redécoupage de la carte électorale du Directeur général des élections du Québec (DGEQ) qui touchent leurs circonscriptions et leur électorat traditionnel.

En commission parlementaire mardi, ils ont fait bloc contre la disparition de la circonscription de Saint-Maurice, représentée par le libéral Pierre Giguère, mais aussi contre des changements sur l'île de Montréal, à Laval et en Montérégie, au nom des communautés juive, musulmane et grecque. Le rattachement de 700 ménages hassidiques au comté de Mercier a fait «littéralement pleurer d'avance» la députée d'Outremont, Hélène David.

La circonscription de Saint-Maurice est condamnée par le DGE en raison «d'un nombre d'électeurs bien inférieur à la moyenne provinciale» en Mauricie, comme l'énonce le rapport de la Commission de la représentation électorale du Québec (CRÉ), qui propose une nouvelle carte pour 2018. La région est donc surreprésentée selon les critères de la loi électorale et passerait de cinq à quatre circonscriptions.

Les partis soutiennent toujours qu'ils examinent dans un esprit non partisan les recommandations de la commission, mais dans la pratique, ils sont très soucieux des effets du redécoupage sur leurs résultats électoraux. Les échanges à la commission parlementaire ont d'ailleurs laissé transparaître certaines tensions entre les formations politiques.

À tour de rôle, les députés libéraux ont fait flèche de tout bois pour contrer l'argumentaire démographique et les critères de la loi, en invoquant les besoins de la Mauricie, le taux de richesse, le nombre d'assistés sociaux, le vieillissement de la population, l'occupation du territoire, la représentativité, etc.

À la séance de la commission dans la salle du Conseil législatif, le député de Saint-Maurice, M. Giguère, a dit que c'était une «erreur déplorable» tout en faisant la promotion de sa région.

«C'est un peu difficile, vous proposez d'abolir mon comté. M. (Pierre) Reid (le DGE) a confirmé que la Mauricie est condamnée, que Saint-Maurice est condamné. C'est déplorable pour la démocratie. Mes électeurs se font dire: «Pierre, il était là pour absolument rien'.»

La députée de Laviolette, Julie Boulet, qui hériterait d'une partie du territoire, s'en est plainte. Elle soutient que même si son électorat est déjà trop inférieur à la moyenne, son territoire deviendrait trop grand.

«Ça me prend huit heures pour aller d'un bout à l'autre de mon comté, ma charge de travail est considérable», a-t-elle déploré.

Le député de Maskinongé, Marc H. Plante, qui lui aussi hériterait du dépeçage, a pour sa part clamé que c'était «inadmissible» pour les citoyens de la Mauricie.

Le DGE, Pierre Reid, a pour sa part répondu qu'il s'agissait d'un rapport préliminaire. «On va réanalyser les commentaires reçus, mais pour la Mauricie, on ne voit pas d'autre solution que la proposition qui a été faite, mais on est ici pour vous écouter», a-t-il dit.

La ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, Rita de Santis, avait déjà sonné la charge en matinée. En entrevue avec La Presse canadienne, elle avait notamment remis en question les motifs qui justifient les circonscriptions d'exception.

Les circonscriptions d'exception sont celles qui sont préservées même si elles ont plus de 25 pour cent ou encore moins de 25 pour cent d'électeurs que la moyenne québécoise. Laviolette était parmi ces exceptions, mais la proposition de la CRÉ après le dépeçage de Saint-Maurice lui retire ce privilège.

«On se pose des questions: pourquoi Laviolette, alors qu'on accepte que les autres soient des comtés d'exception?» a-t-elle dit.

Il y a matière à s'interroger sur les raisons qui justifient ou non ces exceptions, a-t-elle poursuivi. «Est-ce que le 25 pour cent est le bon ratio?» a pour sa part renchéri le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, François Blais.

Le député libéral de Chomedey, Guy Ouellette, a pour sa part dénoncé les modifications qui frapperaient «en plein» dans la communauté hellénique. «Pour les gens de Chomedey, c'est une catastrophe nationale», a-t-il plaidé.

Sa voisine, la députée de Fabre, Monique Sauvé, a aussi protesté contre le redécoupage de Chomedey. Le transfert de l'église grecque dans Fabre serait dramatique, selon elle. «Pas question déménager leur église à Fabre. On ne déracine pas le centre d'une telle communauté», a-t-elle dit.

La députée libérale d'Outremont, Hélène David, a défendu le maintien de Mont-Royal et de sa circonscription que la commission veut fusionner. Elle s'oppose au rattachement subséquent de 700 ménages juifs hassidiques à la circonscription voisine de Mercier.

«Cela angoisse beaucoup la communauté», a rapporté la ministre de l'Enseignement supérieur, en déplorant que le redécoupage diviserait la communauté dans un «milieu non naturel».

«Ce serait une erreur et un oubli de notre devoir de mémoire collectif en ce qui concerne les communautés culturelles. Diviser la communauté hassidique, cela me fait littéralement pleurer d'avance», a-t-elle dit.

Son collègue de Mont-Royal, le ministre Pierre Arcand, a pour sa part mis en garde la CRÉ qui s'éloignerait «dangereusement» de ses principes et de la Charte des droits et libertés.

Le député de La Pinière, Gaétan Barrette, a aussi invoqué les intérêts de la communauté juive pour justifier le statu quo dans Outremont, tout comme il a invoqué les intérêts de la communauté musulmane de La Pinière pour empêcher le redécoupage de sa circonscription.

Hélène David a fait valoir la position traditionnelle du Parti libéral, qui souhaite que le DGE tienne compte non pas seulement du nombre d'électeurs dans la refonte de la carte, mais de la population totale, notamment les nouveaux arrivants en attente de leur citoyenneté.

Par ailleurs, des élus de la Coalition avenir Québec ont défendu la hausse proposée par la CRÉ du nombre de circonscriptions dans Laurentides-Lanaudière, une région où ils sont bien représentés, tandis que le député libéral d'Argenteuil, Yves St-Denis, a plaidé pour augmenter le nombre de circonscriptions en Outaouais, une région qui vote traditionnellement libéral.