Balayant les accusations de Philippe Couillard qui «pète les plombs», le chef caquiste François Legault réclame une baisse de 20 % du seuil d'immigration annuel au Québec, de 50 000 à 40 000.

Au rythme où vont les choses, l'immigration menace le français au Québec dans 25 ans, «c'est mathématique», a plaidé M. Legault, mardi, à la dernière journée du caucus de ses députés réunis à Saint-Jérôme pour préparer la session parlementaire d'automne.

À coup de 50 000 immigrants par an, «c'est inquiétant d'abord pour Montréal, mais aussi éventuellement pour l'ensemble du Québec», a-t-il dit.

Le maintien du seuil actuel n'est «pas défendable» parce que le processus actuel d'intégration constitue un «échec, connaît de sérieux ratés», a soutenu le chef de la Coalition avenir Québec.

Le taux de chômage chez les nouveaux arrivants atteint 18 %, tandis que 200 000 immigrants au Québec ne maîtrisent pas le français, a-t-il argué.

Mais au lieu d'aborder le «sujet sensible» du seuil d'immigration, le premier ministre Philippe Couillard «pète les plombs et insulte tout le monde», a déploré son adversaire caquiste.

«C'est clair que M. Couillard a un malaise à limiter l'immigration, a un malaise à défendre le français», a-t-il dit.

Il soupçonne l'influence de l'Arabie saoudite sur M. Couillard, qui y a travaillé, ou encore l'intérêt clientéliste du Parti libéral, dont beaucoup d'électeurs sont de diverses origines.

«Est-ce que c'est son voyage en Arabie saoudite? Son approche multiculturaliste? La défense de certains groupes à l'intérieur du Parti libéral?»

Ce faisant, M. Couillard ne remplit pas ses devoirs de défense du seul peuple de langue française en Amérique du Nord, estime M. Legault.

Le leader caquiste a aussi répondu à l'argument voulant qu'il fallait davantage d'immigration pour solutionner le défi démographique du Québec.

Ceux qui dans la communauté d'affaires veulent davantage d'immigrants, comme la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, sont des «lobbies» qui veulent obtenir du «cheap labor» en faisant baisser les salaires, a dénoncé M. Legault.

Il vaudrait mieux lutter contre le décrochage scolaire afin d'augmenter la population active et former des travailleurs qualifiés, a-t-il poursuivi.

Une réduction de 10 000 immigrants par an ramènerait le seuil à son niveau d'avant 2003. La CAQ fait remarquer que depuis 2003, les libéraux ont haussé le seuil de 25 pour cent, mais en augmentant les dépenses du ministère de l'Immigration de seulement cinq pour cent.

Le gouvernement s'est empressé de répliquer aux propositions de François Legault en l'accusant de vouloir diviser les Québécois.

«C'est la technique de M. Legault, a affirmé le directeur des communications du gouvernement, Charles Robert. Quand ses arguments sont mis à mal et qu'il est peinturé dans le coin, il insulte. Pourquoi il cherche à créer deux sortes de Québécois, le bon et le mauvais? Pourquoi cherche-t-il à opposer les gens? Sa politique en matière d'immigration est un cynique calcul électoral.»

Le Parti québécois réclame aussi une baisse des cibles d'immigration, mais condamne le «populisme de droite» de François Legault, qui a «sorti des chiffres de nulle part» pour établir sa position.

«(M. Legault) joue dans le registre des peurs, des inquiétudes, et c'est déplorable», a commenté le député péquiste de Rousseau, Nicolas Marceau.

Selon M. Marceau, l'immigration est une «source d'enrichissement», mais il faut d'abord s'entendre collectivement pour établir des cibles d'accueil, puis accorder les budgets suffisants pour l'intégration et la francisation.

Plus tôt en matinée, le leader caquiste avait aussi répliqué au premier ministre, qui l'avait comparé, la veille, au controversé candidat républicain Donald Trump.

«On a un premier ministre qui est désespéré, chaque fois que M. Couillard parle d'immigration, on dirait qu'il perd les pédales», a déclaré M. Legault, mardi.

M. Couillard réagissait alors aux déclarations de son adversaire caquiste sur le burkini. M. Legault avait laissé entendre lundi que les adeptes du burkini pourraient se voir refuser la citoyenneté sous un gouvernement caquiste.

Le test de valeurs que veut imposer la CAQ aux nouveaux arrivants comporterait des questions sur l'égalité homme-femme et le demandeur qui échoue ne pourrait devenir citoyen au Québec, avait déclaré M. Legault.

En mission à Boston, le premier ministre Philippe Couillard n'avait pas manqué de voir une «parenté de moyens», une «parenté de processus» entre le chef caquiste François Legault et Donald Trump.

«Il n'y a pas beaucoup d'hommes politiques en Amérique du Nord qui parlent d'expulser des gens: il y a en deux», a affirmé M. Couillard.

En mars, M. Couillard avait déjà accusé le chef de la CAQ de «souffler sur les braises de l'intolérance» parce qu'il remettait en question une hausse éventuelle du seuil d'immigration au Québec.

Les consultations publiques sur la planification de l'immigration au Québec pour 2017-2019 ont eu lieu récemment.

En avril, la ministre de l'Immigration, Kathleen Weil, avait affirmé en chambre qu'elle visait plutôt la stabilité du seuil d'immigration pour 2017, à 50 000 par an.