Le premier ministre Philippe Couillard doit retirer sa nouvelle offre salariale aux employés de l'État parce qu'elle consacre le retour des «clauses orphelin», estime le chef caquiste François Legault. Selon lui, «Philippe Couillard est en train de nous ramener à il y a 10, 20, 30 ans».

Dans sa proposition dévoilée vendredi et aussitôt rejetée par les syndicats, Québec met sur la table 550 millions de dollars de plus au chapitre de la relativité salariale, qui vise à corriger des incohérences dans les échelles. Ce montant serait versé en 2019 seulement, à la dernière année des prochaines conventions. Le gouvernement soutient qu'environ 440 000 employés - sur 550 000 - verraient leur salaire augmenter avec l'ajout de ces 550 millions. Les hausses seraient toutefois à géométrie variable : certains en auraient des plus importantes que d'autres. Et des employés n'auraient droit à rien. Au moins 18 000, et jusqu'à 35 000 employés, subiraient même une baisse salariale, selon le front commun syndical.

Pour certaines catégories d'emploi comme les infirmières, les salaires des derniers échelons seraient revus à la hausse, mais ceux des premiers échelons le seraient à la baisse. Les personnes qui seraient embauchées dans l'avenir auraient droit à un salaire plus faible en début de carrière que celui en vigueur à l'heure actuelle.

«On propose de réduire le salaire des jeunes infirmières... Je n'en reviens pas!» a lancé François Legault samedi, en marge du conseil général de la Coalition avenir Québec à Laval. «Je pensais qu'au Québec, on avait mis ça de côté les clauses orphelin, faire payer les jeunes pour être capable d'augmenter les salaires des plus vieux. Je pensais que ça n'existait plus au Québec. M. Couillard est en train de nous ramener à il y a 10, 20, 30 ans.»

«Je demande à M. Couillard de retirer cette offre-là. Parce que ça n'a pas de bon sens. Ce n'est pas vrai qu'on va retomber dans un problème d'équité entre les générations et de clauses orphelin», a-t-il ajouté.

Pour Martin Coiteux, ce n'est pas le salaire de départ, mais l'échelon supérieur qui est important. Avec la nouvelle offre, «un jeune va avoir une perspective de rémunération en carrière qui va le mener plus loin et qui est plus intéressante parce que les maximums des échelles augmentent pour la vaste majorité», y compris les infirmières, a-t-il soutenu lors d'une entrevue avec La Presse vendredi.

François Legault rejette cet argument. «Ben voyons donc! On regarde aussi le salaire à l'entrée et on regarde les différentes options qu'on a dans différentes professions. Donc le salaire à l'entrée aussi est important», a-t-il plaidé.

Il déplore le flou entourant la proposition faite aux enseignants. Selon la partie syndicale, le Trésor voudrait créer une «règle d'exception». Il jugerait que le résultat de la relativité salariale mènerait à des augmentations importantes qu'il n'a pas les moyens de payer. Les enseignants auraient donc droit à une part des hausses salariales de 510 millions, mais les augmentations seraient moindres que ce que prévoit le résultat de l'exercice de relativité salariale, toujours selon la partie syndicale. Vendredi, le président de la Fédération autonome de l'enseignement, Sylvain Mallette, a confirmé ces dispositions proposées par le Trésor.

François Legault demande que le salaire des enseignants soit haussé à tout le moins pour couvrir l'inflation pour chaque année des prochaines conventions. «On a besoin d'enseignants motivés, et il faut être cohérent : si on veut que l'éducation soit une priorité au Québec, il faut mieux payer nos enseignants», a soutenu le chef caquiste. «Je n'accepterai jamais qu'on gèle, même pour une année, le salaire des enseignants.»

Outre les 550 millions liés à la relativité salariale, Québec propose pour l'ensemble de ses employés un gel pour la première année des prochaines conventions, 1 % la deuxième, 1 % la troisième, 1 % la quatrième et un gel la cinquième.

François Legault évoque l'adoption possible d'un décret de la part du gouvernement pour imposer les salaires et les conditions de travail. Le gouvernement a l'intention de régler le dossier du renouvellement des conventions collectives d'ici Noël. «On va peut-être nous demander de voter une loi spéciale, et je ne vois pas comment on va nous demander d'appuyer ou non le gouvernement sans connaître la proposition qui a été faite à chacun des groupes d'employés», a dit M. Legault.

Le conseil général de la CAQ sera l'occasion pour son chef de préciser sa position «nationaliste». Il veut réclamer à Ottawa plus de pouvoirs pour le Québec. Un gouvernement caquiste procéderait «par étape», a expliqué M. Legault. En matière de langue et d'immigration, des ententes bilatérales pourraient être conclues. Viendrait le moment plus tard de reconnaître le caractère spécifique du Québec dans la Constitution. M. Legault a parlé de quelques années, à l'intérieur d'un mandat ou plus, pour arriver à cette dernière étape. Une nouvelle entente avec le Canada serait soumise aux Québécois par référendum, a déjà indiqué M. Legault. Il dévoilera les détails de sa proposition dimanche. Samedi, les militants se prononcent sur une série de propositions pour «renouveler les institutions démocratiques».