Les villes doivent exercer un contrôle accru de leurs dépenses, plaide le ministre des Affaires municipales à la lecture du palmarès HEC sur le coût des services municipaux. La métropole reconnaît pour sa part que réduire sa masse salariale s'avère «incontournable» afin d'assainir ses finances.

Le ministre Pierre Moreau a réagi hier à la publication du deuxième palmarès du Centre sur la productivité et la prospérité. «Lorsqu'on regarde la croissance des dépenses des municipalités, même au-delà de la rémunération, on se rend compte qu'il doit y avoir des contrôles qui doivent être appliqués au niveau local.»

Le sujet de la forte croissance des dépenses municipales sera à l'ordre du jour lors des prochaines rencontres du ministre avec les représentants des municipalités québécoises. «Quels sont les meilleurs moyens d'exercer un meilleur contrôle? Est-ce une question de discipline ou de moyens? La question se pose», a indiqué M. Moreau au Soleil.

Montréal a quant à elle reconnu que la rémunération des employés - la plus généreuse du Québec, selon le palmarès HEC - pèse lourd sur ses finances. «En 2002, la masse salariale représentait 42,5% du budget de la Ville. C'était rendu près de 52% en 2013», a souligné le président du comité exécutif de Montréal, Pierre Desrochers.

Le bras droit du maire Denis Coderre a assuré que des mesures ont déjà été prises pour contrôler la masse salariale. Montréal prévoit notamment réduire de 10% son personnel d'ici 2018, ce qui représente l'abolition de 2200 postes. Une baisse des effectifs sera perceptible dans le budget 2015, a d'ailleurs indiqué M. Desrochers.

«Je ne suis probablement pas le premier président du comité exécutif à le dire, mais peut-être vais-je être le premier à tenir parole. Je comprends le cynisme des gens et je tiens à dire qu'on a une détermination ferme: il faut qu'on livre», a réagi l'élu.

Pour améliorer le coût de ses services, Montréal a joint cet été l'Ontario Municipal Benchmarking Initiative (OMBI), qui compare la performance de 16 des principales agglomérations du Canada, dont Toronto, Calgary, Ottawa et Winnipeg. «La seule façon de s'améliorer est de comparer. Qui a les meilleures pratiques? Il faut s'informer et les appliquer», a aussi déclaré M. Desrochers. Le premier rapport comparant le coût des services de Montréal à ceux des autres villes canadiennes est attendu en octobre 2015.

«Indécent»

L'opposition s'est dite renversée par les données démontrant que les employés montréalais reçoivent la rémunération la plus généreuse parmi les villes québécoises.

«C'est presque indécent. Je ne dis pas qu'on devrait être pile sur la moyenne, mais quand l'écart est à ce point grand, tu es obligé de te poser des questions», s'est indigné le conseiller Guillaume Lavoie, de Projet Montréal.

La formation ne comprend pas pourquoi la métropole offre une rémunération aussi élevée. «Je n'ai jamais entendu parler d'un problème de recrutement ou que d'autres villes venaient recruter nos meilleurs. Au contraire, avoir un emploi à Montréal est vu comme gagner à loterie», a dit Guillaume Lavoie. Celui-ci estime que l'administration Coderre devrait consacrer ses efforts à réduire le poids de la masse salariale plutôt que se concentrer sur la réforme des arrondissements.

Chez les syndicats montréalais, on digère mal les commentaires du directeur du Centre sur la productivité et la prospérité, Robert Gagné, selon qui les employés de la métropole sont surpayés et trop nombreux. «C'est simpliste, c'est condescendant, ça fait en sorte d'alimenter les préjugés», a dénoncé le président de l'Association des pompiers de Montréal, Ronald Martin.

Le syndicat conteste les données sur la rémunération globale des pompiers qui touchent en moyenne 129 000$ selon le palmarès. Ronald Martin affirme que les sapeurs reçoivent plutôt un salaire de base moyen de 73 000$, somme qui grimpe à 108 000$ en incluant les avantages sociaux.

Comment expliquer l'écart de 20%? Le syndicat dit mettre de côté les sommes liées aux heures supplémentaires dans ses calculs. «C'est une décision administrative, alors on n'en tient pas compte dans l'assiette de la rémunération», explique Ronald Martin.

Les conseils de Moody's

L'agence de crédit Moody's estime que la Ville de Montréal doit mieux maîtriser sa masse salariale pour améliorer son profil de crédit. Dans un récent rapport consacré à la métropole québécoise, l'agence souligne que ses revenus ont augmenté plus lentement que ses dépenses. «Sans changements, la Ville aura d'importantes difficultés à présenter un budget équilibré», peut-on lire. Moody's dit voir d'un bon oeil les mesures annoncées par l'administration Coderre. «La Ville a récemment annoncé publiquement qu'elle mettait de l'avant des initiatives pour économiser dans ses coûts de masse salariale et ses fonds de pension, ce qui, si elle réussit, améliorerait le profil du crédit de Montréal.» L'agence de crédit remarque que la masse salariale n'est pas le seul boulet de la métropole: Moody's souligne que la Ville de Montréal a l'une des dettes les plus élevées des villes canadiennes. Le remboursement de sa dette accapare une plus grande part de son budget que dans les autres villes.